Par Bass Levesque

Le caucus… Un paradoxe important au sein du match d’improvisation. Le caucus est souvent vu comme le « 15 secondes d’idées » qui sera la pierre angulaire d’une improvisation de 3 minutes. Une définition un peu superficielle, vous me direz, mais tout de même très précise. On donne beaucoup d’importance au caucus, il est primordial, et du même coup, plusieurs joueurs, surtout des joueurs avancés, ont tendance à mettre de côté le caucus. Examinons ensemble l’évolution du joueur en relation avec l’évolution du caucus.

En début de « carrière d’impro », quand on commence, tout est nouveau. On apprend la forme. On se préoccupe de choses comme : Qu’est-ce que je fais quand ils annoncent mon nom? Ou encore, qu’est-ce qui arrive si j’suis pas drôle? Et plus encore, qu’est-ce que j’fais si j’ai pas d’idées? Le caucus au début de notre carrière sert à stimuler le cerveau, mais surtout à donner un « filet de sécurité » aux joueurs qui sont nerveux. Généralement, il n’y a que 5 questions à poser pour être bien informé. Qui, Quoi, Où, Comment et Pourquoi. Le caucus sert a répondre à ces cinq questions pour le joueur débutant.

Joe le numéro 14 : Qu’est-ce que je fais si je n’ai pas d’idées?…

Coach : Tu fais ce qu’on a dit dans le caucus.

On a répondu à Qui (le personnage), Quoi (le carton de thème), Où (le lieu où se déroule l’impro), Comment (l’histoire qui sera jouée, la scène), Pourquoi (les motivations du joueur).

Et voila… Filet de sécurité. On enlève une grosse partie de questionnement qui rend anxieux (voir Le « Mind Killer » ) et on donne la chance au joueur de créer à l’intérieur des limites offertes par le caucus. Le caucus offre au joueur la sécurité dont il a besoin. On peut difficilement créer dans le risque.

Joueur Débutant : Caucus = Filet de sécurité (très peu de risques)

Après un certain temps, un an ou deux, pour la personne qui improvise, une certaine aisance s’est installée. On ne questionne plus la forme. On comprend bien le match et ses composantes. Le caucus est adopté. Le caucus devient à ce moment un exercice où les idées vollent beaucoup plus rapidement.

À l’intérieur de 15 secondes, il peut y avoir 57 idées différentes de situations, de possibilités et de personnages. Tel un gardien de but avant un match de hockey sur qui les joueurs lancent 400 rondelles en succession rapide en guise de réchauffement, le joueur devient un gestionnaire d’idées et prends ce qu’il a besoin pour livrer sa performance, il absorbe tout, son écoute doit être à 100% pour capter tout. Ce moment aiguise aussi la rapidité d’esprit, ce qui peut mettre le joueur dans l’état d’ouverture qu’il a besoin pour performer.

Le joueur qui sera l’initiateur dans le jeu (le premier joueur de l’équipe à y aller) choisie les éléments qu’il utilisera, et les autres joueurs (sur le banc) doivent les connaître, mais aussi savoir ce qui reste en banque au cas où un 3ème joueur serait nécessaire dans l’impro. Le caucus s’est un peu transformé. Il passe de « filet de sécurité » à « harnais de sécurité ». Un peu la même chose, vous direz. C’est un peu le même principe, mais le harnais est plus individuel et souvent demande une deuxième personne pour assurer la sécurité.

Le filet est statique, ne bouge pas, mais le harnais bouge avec le joueur, il l’accompagne.

Le caucus en tant que « harnais de sécurité » implique tout l’équipe, mais ne sert encore qu’à créer des limites pour sécuriser la création. Comme ça, toute l’équipe est sur la même page, et tout le monde se sent en sécurité pour aider. Les habiletés de joueurs sont développées et on peut créer avec un minimum de risque.

Joueur intermédiaire : Caucus = Harnais de sécurité (un peu plus de risque)

Pour la personne qui poursuit sa passion pour l’improvisation plus loin que l’occasionnel tournoi de fin de semaine, le caucus se raffine. Il devient un exercice d’efficacité. À l’intérieur de certaines ligues et même à l’intérieur de certaines équipes, le caucus devient une petite partie du spectacle. Certaines équipes semblent s’amuser incroyablement, certaines équipes semblent discuter de façon intense, certaines équipes semblent être complètement décousues, mais toutes les équipes doivent trouver leur caucus.

Le caucus, à l’intérieur d’une ligue, devient une belle chose. Chaque joueur se fait donner le caucus qu’il a besoin. Joe le numéro 14 a besoin de personnages, on lui donne des personnages. Émilie la numéro 8 aime des lieux et des situations, on lui donne des lieux et des situations. Simple. Efficace. On se connaît bien. On joue ensemble toutes les semaines. On est une machine.

Souvent on commence avec les besoins des joueurs, et ensuite on lance des idées supplémentaires. Dans le meilleur des cas, on a réussi à détacher le « harnais de sécurité » et on se concentre davantage sur la performance. Dans le meilleur des cas, on sait comment utiliser le thème de l’impro pour motiver la création et on se base sur cette notion pour performer. Le joueur, très rapidement, connais bien le Qui (son personnage) le Quoi (le thème), le Où? (lieu ou se déroule la scène), le Pourquoi (les motivations du personnage) et il se concentre sur le Comment (la scène). Il y a beaucoup plus de place à la création.

 

 

Le caucus sert tout de même souvent de protection. Un moyen pour que tous les joueurs soient sur la même page. On laisse souvent le premier joueur décider de plein de choses dans sa création, mais on apprécie beaucoup davantage quand il travaille à l’intérieur de ce qu’on a discuté dans le caucus. Il n’y a plus de harnais de sécurité. On se place des casques protecteurs. Tous les joueurs qui écoutaient pendant le caucus portent un tel casque. S’il y a connaissance de « où on va », t’as un casque. C’est parfait. C’est ce qu’on recherche à l’intérieur d’une équipe. On est protégé, mais on peut bouger comme on veut. La liberté de créer apporte des risques, mais à ce niveau, le risque est apprécié.

Joueur avancé de ligue : Caucus = Casque protecteur (risque élevé)

Après un certain temps, avec un certain groupe, avec des joueurs de niveau supérieur, le caucus devient tellement efficace, qu’il n’est pratiquement plus nécessaire. Le caucus devient extrêmement court. Il devient une phrase. Une série de 2 ou 3 mots. Parfois, à l’intérieur d’un équipe, des moments incroyables peuvent se produire dans une improvisation qui n’avait aucun caucus du tout, dans lequel aucuns mots n’ont été dits, est propulsée à des hauteurs non attendues. Il y a des moments d’improvisation mixte qui devienne tellement purs qu’ils sembleraient que tous les joueurs portaient le même chandail. Ces moments peuvent sembler comme de la magie ou comme si les étoiles se sont alignées et que les dieux se sont penchés sur l’improvisation pour nous offrir un moment incroyable.

Est-ce que ces joueurs sont surhumains? Sont-ils télépathiques? Ont-ils donné leur âme à Cthulhu pour que ces moments arrivent?

Non.

Il n’y a pas de magie. Il n’y a pas de mystère. La raison pourquoi les joueurs de très haut niveau n’ont pas besoin d’un caucus élaboré pour créer des choses incroyables, c’est parce qu’ils ont développé une écoute supérieure, ils ont un respect pour la création de leurs coéquipiers, ils sont généreux et aident à construire dans l’originalité et savent partager les idées les uns avec les autres. Et aussi, ils apprécient le risque, sauter dans le vide, se donner complètement. Ce risque, en bout de ligne, apporte la plus grande satisfaction pour le joueur de niveau avancé.

Le caucus sert à se sécuriser. À s’assurer que tout le monde est sur la même page. Dans le cas de joueurs professionnels, de niveau avancé, la sécurité existe dans ses capacités de créer et dans sa générosité. Cette même sécurité est multipliée par le montant de gens généreux et créateurs qui participeront à la scène improvisée. On comprend que l’acte de faire de l’impro est un risque et que la sécurité n’existe que dans la création.

Donc, si Caucus = Sécurité et que, pour des joueurs de niveau avancé, Sécurité = Créateurs, on se rend rapidement compte de la conclusion suivante.

Joueurs de niveau avancé : Caucus = Créateurs (100% risque et en même temps 0% risque)

Les questions que l’on cherche à répondre dans le caucus seront toutes répondues dans l’improvisation, dans la création de celle-ci, pas dans le caucus comme tel.

En conclusion, le caucus aide à apporter une sécurité à l’improvisateur, et plus le niveau de l’improvisateur augmente, moins le caucus est nécessaire ou même voulu, car l’acte d’improviser sans risque est peu séduisant pour le joueur de niveau plus élevé. L’acte de création est la seule sécurité nécessaire pour l’improvisateur.

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