Par Michel M. Albert
Il existe des TYPES d’impro – des sujets, genres, prémisses qui reviennent souvent – qui ne comptent pas parmi les préférés des amateurs d’improvisation. Le quiz télévisé. L’émission pour enfant, ou de cuisine, ou le informercial. Le touriste dans un pays lointain. La compétition athlétique.
À bien y penser, cependant, le problème avec ces prémisses n’est pas, comme la chicane de couple par exemple, qu’on les a trop vues. Ce n’est pas que nous en sommes fatigués.
Plutôt, c’est qu’elles ne sont que rarement bien abordées. Remémorez-vous de telles improvisations. Ces visites dans des pays que le joueur ne connaît pas et qui donc devient absurde, voire même à la limite raciste. Ce jeu télévisé où personne ne sait les réponses à des questions qui ne font même pas de sens. La compétition qui devient ridicule parce que, encore une fois, les joueurs ne comprennent pas ce qu’il en est. L’émission de cuisine où les aliments sont du n’importe quoi. En fait, toutes les émissions de télé qui coupent aux annonces pour que tout le plateau puisse se disputer, ce qui éventuellement fait dérailler ladite émission.

Qu’est-ce que ces impros ont en commun? Un manque de SAVOIR.
On se lance dans le tas sans vraiment maîtriser le sujet, et on espère que le public trouvera drôle que notre personnage est niaiseux. Mais il y a une différence entre un personnage ignorant et un monde créé par des joueurs ignorants. Dans le premier cas, on peut rire du poisson hors de l’eau. Dans le second, le monde lui-même ne fait pas de sens. On aliène le public qui LUI en sait quelque chose, et on ne donne pas de jus au public pour qui la prémisse est nouvelle.
En bout de ligne, on livre une improvisation qui est ridicule, et bien que peut-être drôle pour un instant, est vite oubliée, parce qu’elle tourne en rond, elle utilise des formules qui n’ont rien à raconter, et au pire, sombre dans la confusion.
Le manque de Vérité (le 5e pilier de l’improvisation) découle donc d’un encore plus sérieux manque de Culture (le 7e). Entreprendre une émission de cuisine en impro devient donc une paresse par-dessus une autre paresse. D’une part, on utilise une formule clichée qui ne prend pas grande imagination. On va faire les choses qu’on fait d’habitude – recette absurde, dégâts, couper! couper! etc. – sans innover ou surprendre. C’est la seconde paresse.

La première? De ne pas avoir fait la recherche pour suffisamment maîtriser le sujet (ici, la cuisine et la façon dont de telles émissions fonctionnent, voire même comment elle peuvent soutenir un NARRATIF intéressant pendant la durée de l’impro). Nous ne sommes pas improvisateurs qu’entre les sifflets. Nous sommes aussi improvisateurs à la maison, au travail, dans nos loisirs. La 7e pilier, la Culture, veut que l’on s’éduque, que l’on s’enrichit, pour avoir QUELQUE CHOSE à raconter à notre public. Il y a de la PRÉPARATION à faire. Dans notre exemple, si on sait comment faire à manger, on peut donner de la VRAISEMBLANCE à notre impro. Si on a visionné et analysé comment les émissions de cuisine se déroulent, on peut structurer notre impro pour qu’elle aille quelque part.
Et c’est vrai de tous les exemples donnés. L’improvisateur devrait s’informer sur les cultures et régions autres que les siennes. Il devrait prendre une randonnée dans les bois. Se bourrer la tête de livres et de films de toutes sortes et sur tous les sujets. Et ensuite, CHOISIR CES SUJETS comme prémisses de ses improvisations et mettre en œuvre les choses qu’il a apprises. On veut voir un vrai pays, une vraie époque, une véritable sphère d’activité. Non seulement assurons-nous ainsi plus de VARIÉTÉ dans nos matchs, mais quand on utilisera les types d’impro qui reviennent souvent, ils seront imbus de VÉRITÉ et d’une motricité narrative. On aura quelque chose à DIRE!
Sinon, on ne sert que des plats réchauffés et indigestes.
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