Par Michel M. Albert
Il y a deux joueurs qui décrochent. Un qui décroche bien et un qui décroche mal.
Celui qui décroche bien, c’est qu’il comprend que le public aime ça quand un joueur montre sa vulnérabilité. Qu’il est, dans le fond, un des leurs. C’est le joueur qui, dans une situation loufoque, après une bonne joke, la sienne ou mieux encore celle d’un autre, laisse transparaître le fantôme d’un sourire, puis de plus en plus, jusqu’à ce qu’il soit en train de se tortiller la bouche, ou se tourne pour le cacher. La déclinaison continue et on voit ses épaules aller de bas en haut. Au pire, il ne peut plus continuer.
Ça ne se rend pas toujours là, et il ne faut pas que ça arrive trop souvent, mais si un joueur est considéré sérieux normalement et qu’il craque sous la pression de l’humour, le public se voit dans lui. Les spectateurs aussi, s’ils étaient sur scène, ne pourraient s’en empêcher. C’est un peu pourquoi ils sont spectateurs plutôt que joueurs. Mais voilà, un joueur craque, il est humain, comme eux.

Ce joueur décroché réalise que c’est un coup de théâtre. I+l ne fait pas exprès, mais sentant le sourire venir, il laisse le public le voir. S’il essaie de le cacher, c’est de façon théâtrale, c’est pour créer un moment. Ça fait partie du show! Le joueur qui décroche bien verra que le public a ensuite de l’affection pour lui. C’est attachant!
Mais il y a aussi le joueur qui décroche mal. À l’inverse du joueur décrit ci-haut, ce dernier ne se donne jamais totalement au spectacle. Dans le pire des cas, c’est le joueur qui, quand ça ne va pas à sa manière, se choque, redevient lui-même pour lâcher des commentaire sur comment l’impro est confuse ou statique, ou alors fait référence à la rudesse de l’autre joueur, etc. Le public y verra tout de suite du mauvais esprit sportif, un mauvais perdant qui brise l’ambiance en abandonnant une impro qu’il considère déjà perdue ou gâchée.

Sans aller aussi loin, le mauvais joueur décroché a une attitude qui se veut toujours un peu décrochée. Il est toujours plutôt lui-même. On le voit penser à sa prochaine réplique plutôt que d’être en train d’écouter et de réagir aux propos des autres joueurs. Il fait toujours des commentaires « meta » sur l’improvisation en cours. Il est facile à distraire par les interventions de l’arbitre ou même du public. Son jeu en souffre, parce qu’il n’est pas dedans à 100%. Pas certain qu’on peut même l’appeler un joueur décroché quand il n’a jamais vraiment accroché.
La plupart des joueurs se retrouvent dans le milieu de ces deux attitudes. Quand ils décrochent, c’est un accident, ni du mauvais jeu, ni un moment divertissant. Mais si vous avez à aller dans une direction ou l’autre, un des choix est nettement meilleur…
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