Par Michel M. Albert
Selon le format de match/ligue, on peut expérimenter avec des catégories de toutes sortes, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas expérimenter dans un match traditionnel. Ce blogue a souvent parlé de l’à la manière de comme outil pour ce genre d’expérimentation, mais il y a aussi le thème, c’est-à-dire, le titre lui-même.
Pourquoi, en effet, se limiter à un mot, une locution ou une phrase?
Voici les quelques expériences qui ont été conduites par des arbitres dans notre réseau, à savoir si les résultats étaient conclusifs.

L’image
Au lieu d’un thème verbalisé, on montre aux équipes et au public une image. Le mieux, c’est d’avoir un écran pour projeter le thème à une taille que tout le monde peut voir, avec la possibilité de le laisser là tout le long de l’impro. Cette dernière technique pourrait, par exemple, donner la possibilité aux joueurs d’utiliser l’image comme fond, surtout dans le cas de photos de lieux (selon la position de l’écran). Sans écran, l’arbitre doit présenter les images à bout portant, donc elles doivent être assez grandes pour être visibles dans la salle, mais on peut surprendre avec des objets tridimensionnels. Attention cependant, plus c’est grand, plus c’est malcommode de les transporter à la salle de spectacle et de les cacher des joueurs.
Analyse : Bien que ça peut être intéressant, question de changer la façon dont les joueurs pensent en caucus, faire un match en entier sous ce format n’offre pas la variété nécessaire à un bon match d’impro. La variété des images n’est pas la question, mais plutôt la façon dont les joueurs pensent et arrivent à des idées d’impro quand confrontés à un thème. Quand tous les thèmes sont des images, la même partie du cerveau est activée, ce qui avantage certains joueurs, en désavantage d’autres.
Le clip
L’arbitre ne verbalise pas un thème, il laisse son responsable de la musique jouer un clip – un son, une musique, une citation d’une source spécifique. La meilleure utilisation de ce type de thème est pour une sans paroles où justement on travaille le son. Le thème est donc à l’image de la catégorie. Pareillement, on pourrait jouer une bribe de musique ou de chanson comme thème d’une chantée (pour imposer un genre?) ou d’une musicale (ostensiblement un aperçu de la musique qui jouera pendant l’impro).
Analyse : Comme avec une image, utiliser un clip change la façon d’aborder un thème, mais devient répétitif avec le temps. On éviterait un plein « match-clip ».

Le titre aléatoire
Certains arbitres ont sacrifié leur rôle dans l’écriture du thème pour se tourner vers d’autres sources. Le plus commun, c’est de voir un arbitre utiliser un album de musique et de faire jouer le titre d’une chanson, soit après avoir demandé un numéro de plage au public, roulé un dé, ou tout simplement en descendant la liste, une chanson après l’autre, pour en faire un match au complet. On pourrait aussi dire que demander des suggestions au public (à la Who’s Line Is It Anway? et autres spectacles d’impro non-match) relève du titre aléatoire.
Analyse : Le problème ici, c’est qu’il n’y a pas de garantie que le titre fonctionnera bien avec le reste de la carte telle que préparée. Un titre de mixte n’est pas un titre de comparée. Un titre qui ne va pas avec la catégorie, ou avec la durée peut aussi être problématique. Dans le cas d’un public qui lance des suggestions, selon le public on n’aura pas toujours des bijoux. Dans le cas des albums de musique, le faire plus d’une fois dans le même match peut résulter en une absence quasi-complète de variété si, par exemple, l’artiste choisi chante toujours d’amour, etc. D’une façon ou de l’autre, l’arbitre est sensé être l’expert en matière de thèmes, et maintenant que l’expérimentation est faite, la seule raison de s’esquiver de l’écriture du thème est la paresse. Largement à éviter, car il s’agit d’une gamique d’abord et avant tout.
Le paragraphe
Une récente expérience de votre humble auteur, il s’agit ici de lire un paragraphe entier, tiré d’un livre, par exemple. Dans l’expérience telle qu’elle s’est déroulée, le thème était aussi imprimé en police assez grande sur 2-3 feuilles de papier déposées sur le sol à l’avant de la scène (il serait aussi possible de les coller en dedans de la bande avant) pour que les joueurs puissent les consulter pendant l’improvisation, vu que c’est beaucoup à retenir. Pour les besoins de la cause, l’arbitre leur donne un peu de latitude quant au décrochage.
Analyse : Évident que l’on ne peut pas passer un match entier avec des joueurs qui regardent vers le bas pour relire le thème. Le public non plus n’a pas accès au paragraphe (peut-être un autre jeu d’écran?). Donc un thème annuel, sans plus, qui fait toujours le public rire et les joueurs frémir à l’entendre.

Le match thématique
Les thèmes sont normaux, mais font partie d’un thème plus large. Par exemple, tous des traductions de titres de films, tous basés sur une histoire d’enfance de l’arbitre, ou sur sa charge de cours, etc.. Deux dangers ici : Premièrement que la thématique cause un manque de variété dans les thèmes, et deuxièmement, que l’arbitre perde beaucoup de temps à expliquer comment son thème fait partie de la thématique.
Analyse : Si un arbitre veut utiliser une telle technique pour écrire ses thèmes, soit. Mais cela doit rester plus ou moins invisible au public. L’arbitre doit se retenir de perdre le temps du public et des joueurs avec ses démonstrations de comment ingénieux il se trouve, car cela tue le rythme du match. Si la thématique « s’explique » au début du match et c’est tout, et qu’elle alloue une bonne variété dans les thèmes eux-même, on pourra alors parler d’une certain viabilité.
Le thème récurrent
Dans une même saison ou tournoi, un arbitre peut donner un thème qui revient, ou plutôt des thèmes qui font évidemment partie d’une même série, au rythme de un par match. Par exemple, un titre de « film » avec I, II, III et un sous-titre, ou comme ce l’a été fait pour un plein semestre, « X et Y vont à la plage » (notez les variables à changer). En tournoi, l’effet est amoindri. Il est peu probable que les mêmes joueurs jouent la « suite » ou aient même vu les autres impros, donc on peut s’attendre à un peu la même chose d’une fois à l’autre. En ligue, le même public et les mêmes équipes seront exposés à cette tradition plusieurs fois, donc le défi sera, pour l’arbitre, de trouver des permutations qui feront sourire le public, et pour les joueurs, de trouver de nouvelles façons d’aborder un thème similaire.
Analyse : Bien que des thèmes récurrents ne font pas l’unanimité chez les joueurs (quelqu’un qui a eu de la difficulté avec le thème avant n’aimera pas avoir à le tenter de nouveau), ils peuvent servir de signature à l’arbitre ou même à la ligue. Placer le thème toujours au même temps dans le match peut aider à « vendre » l’idée de tradition. Ceci dit, le thème doit tout de même être assez malléable pour revenir le nombre de fois nécessaire, et il ne faut pas avoir peur de le retirer quand il cesse de fonctionner, peut-être en lui donnant un chapitre final.

En conclusion, bien que donner un thème atypique change le mal de place et donne un nouveau défi aux joueurs, il doit demeurer atypique. Il ne peut pas devenir la norme. Quand ça arrive, on sent tout de suite la frustration du public et des joueurs, que la blague a duré assez longtemps déjà.
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