La popularité qui gêne :  Pour être honnête avec la musicale

Par Isabelle Godin

Ça arrive à peu près trois à quatre fois par tournoi. On entend l’arbitre annoncer une improvisation musicale et, aussitôt, on entend un murmure dans la salle, un « oooouuuhhhh » à peine caché. On ressent aussi un léger frisson qui accompagne l’anticipation associée à cette catégorie. Il y a une sorte de mythe qui accompagne cette catégorie qui semble si populaire aux yeux de bien des improvisateurs.

Il est vrai que la musicale est moins fréquemment utilisée que les catégories classiques comme la chantée ou la sans paroles. Peut-être est-ce la raison principale pourquoi on la vénère presque. Il y a une curiosité à savoir quel genre de chanson sera sélectionnée, si elle réussira à clairement guider les joueurs et faire éclater l’imaginaire de la foule. Au cours de ma carrière d’officielle au niveau universitaire, secondaire et primaire, j’ai vu, donné et jugé des dizaines et des dizaines d’improvisations musicales. De ce chiffre, combien sont ressorties du lot en étant originales et complètement réussies? Vous excuserez mon honnêteté, mais bien trop peu.

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Le phénomène de la musicale est difficile à expliquer. Lorsqu’on fait partie du public, c’est tellement facile de tomber dans le piège. La musique est enlevante et envahit nos sens, littéralement. La musique est forte pour que les joueurs puissent bien l’entendre, n’oubliez pas que les haut-parleurs font face au public et non aux joueurs, donc le public est presque assourdi par les notes et rythmes changeants. La mélodie nous donne même des frissons. Parfois, on oublie même qu’il se passe quelque chose dans l’arène. Est-ce qu’on applaudit l’histoire que les joueurs ont montée ou plutôt le choix musical de l’arbitre? Le maître de l’arène choisit sa musique avec soin pour s’assurer qu’elle offre le plus d’opportunités aux équipes en jeu. Il s’agira évidemment d’une bonne pièce qui pourrait tromper un public peu averti. La musique n’est qu’accessoire à la construction d’histoires. Elle est vraisemblablement l’une des vedettes de cette improvisation, mais ne devrait jamais être dissociée de ce qui se déroule devant nos yeux. Est-ce que l’histoire faisait du sens? Est-ce que c’était original? Est-ce que les joueurs respectaient les rythmes? Le ton? Lorsque ces conditions sont respectées, c’est là que la vraie magie arrive!

La formule gagnante pour réussir la catégorie semble plutôt simple. Laissons nos moteurs partir sur une quête épique où s’affronteront rivaux et créatures (celle-ci volent ou sont démoniaques), où une romance naîtra et, souvent, un numéro de danse apparaîtra sans raison pour meubler du temps. Ça vous rappelle quelque chose? Si c’est la formule qu’on nous présente le plus souvent, alors pourquoi est-ce si populaire? Cette formule clichée a pris de plus en plus de place dans les tournois et événements d’improvisation au Nouveau-Brunswick et je crois que nous sommes tous un peu coupables. C’est une catégorie difficile à pratiquer faute de temps de préparation pour les entraîneurs, surtout quand on sait qu’elle est moins utilisée que les autres. La musique sélectionnée peut pousser les joueurs dans cette direction; pareil pour les thèmes. La foule en redemande en donnant même parfois des ovations debout aux joueurs. Mais vraiment, la raison principale qui nuit à la variété dans cette catégorie, c’est le fait qu’elle est sous-punie.

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L’expression mensongère « La première est gratuite » devrait être modifiée et devenir « La musicale est gratuite ». Pas facile être arbitre. On doit prendre des décisions difficiles qui souvent nous mettra des gens à dos. Alors quand vient le temps de retourner à la table de statistique à la suite d’une musicale, après que la foule se soit proclamée haut et fort en faveur de ce qui vient de leur être rendu, pas mal plus facile de la laisser passer plutôt que de punir. On voit la catégorie comme un petit bonbon qu’on offre à tout le monde. C’était plaisant et les gens ont eu l’air d’aimer ça. À quoi bon gâcher ce moment en pointant du doigt les problèmes de celui-ci. Nah… Pas de punitions! Passons à autre chose.

Une musicale ne devrait pas être exemptée d’être scrutée à la loupe par l’arbitre qui la donne. En ne punissant pas lorsqu’il y a cliché, statisme, confusion, rudesse, etc. on ne fait qu’encourager les joueurs à poursuivre avec des mauvaises habitudes, et on informe le public que c’est bel et bien ce que nous voulons voir. C’est une improvisation comme une autre qui nécessite l’attention de l’arbitre pour assurer que les règles soient respectées. Vous allez vous faire huer, on ne se le cachera pas. Par expérience, je tiens à vous rassurer. Laissez la foule faire entendre son mécontentement, écoutez la question du capitaine (imposez-en une s’il le faut) et, une fois votre explication donnée, plus souvent qu’autrement vous entendrez des murmures d’approbation et verrez des hochements de tête en votre faveur. On n’est pas là pour plaire à la foule, on est au service de la discipline. On ne rend service à personne quand on laisse passer des problèmes simplement parce que « le monde aime ça de même ». Imaginez comment ils aimeraient encore plus voir une musicale qui sort des clichés et raconte une histoire plus vraie, dans laquelle ils peuvent se reconnaître.

Au public : Ne faites pas qu’écouter. Regardez l’impro et demandez-en plus encore.

Aux joueurs : Osez faire autre chose!

Aux entraîneurs : Parlez-en avec vos joueurs et poussez-les vers de nouvelles idées.

Aux arbitres : Sortez votre gazou et éduquez-moi ça, tout ce beau monde!

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