Rendre le verbo-moteur physique

Par Michel M. Albert

Pour un joueur qui s’identifie comme verbo-moteur, il peut parfois sembler difficile de travailler son physique. Le joueur strictement verbo-moteur n’est qu’une tête sans corps, car le corps est habituellement dans une seule position, et bien qu’on peut garder l’attention du public à travers les mots seuls, l’énergie de l’impro ne nous appartient pas. À l’œil, c’est le joueur plus physique qui intéresse, qui se veut plus magnétique, et toutes choses étant égales, qui paraîtra mieux sur scène.

Alors voici quelques trucs pour ce joueur qui jouit de facilité avec la parole, mais qui se sent vite dépassé dans le mime et l’humour physique.

FB_IMG_1529375738653.jpg

Utiliser l’espace: Même si le corps n’est pas nécessairement expressif, sa position dans l’espace peut en dire gros. Une position initiale inhabituelle, ou la compréhension de l’effet que l’on a sur le public en étant plus proche, plus loin, plus élevé, au centre, aux coins, en relation particulière avec les autres joueurs, sont des atouts qui ne nécessitent pas beaucoup de jeu physique. Il s’agit plutôt d’un exercice intellectuel qui améliore la clarté ou les revirements d’une improvisation, et attire l’attention sans grands gestes. À éviter : Tourner en rond dans l’arène en parlant ou en attendant que la prochaine ligne nous vienne. Au lieu d’amener une clarté et une précision, on amène une confusion. Il faut donc bien utiliser l’espace, pas tout simplement le remplir de n’importe quoi. Il s’agit là d’une fausse énergie.

Quelque chose à faire: Du départ, donnez-vous (ou faites vous donner) une action à accomplir. Commencez l’impro en brassant un mix à gâteau, en creusant un trou, etc. L’action spécifique n’a pas besoin d’avoir un lien direct avec le thème, mais elle viendra supporter le thème d’une façon ou de l’autre, donc ne l’abandonnez pas pour rien. N’oubliez pas : VOUS ÊTRE VERBO-MOTEUR! Donc votre approche au thème sera instinctivement à travers la parole. En cas normal, vous auriez fait peu d’action (c’est pour ça que vous lisez l’article), donc gardez l’action choisie et parlez pendant que vous faites cet automatisme que vous auriez très bien pu choisir le matin du match dans votre douche. Choisissez quelque chose que vous trouvez facile à mimer, qui est clair pour le public et pour le joueur adverse.

FB_IMG_1529375748006

Le mime automatique: Si vous ne voulez pas trop détraquer une impro avec un geste comme on le décrit ci-haut (par exemple, forcer le joueur adverse à vous demander pourquoi vous creusez un trou), adoptez plutôt un geste plus passif comme allumer et fumer une cigarette, se ronger les ongles, ou manger un sandwich. Il s’agit là d’un ensemble de mimes (dans le premier cas, il faut sortir le paquet, frapper une allumette, allumer, éteindre et jeter l’allumette, fumer pendant une bonne durée, faire tomber les cendres, jeter le bout dégueulasse) que l’on peut pratiquer à la maison. Sur scène, cela nous dit quelque chose à propos du personnage, le public est peut-être même intrigué par les gestes (« ah, mon père éteint ses cigarettes de la même façon! ») et l’automatisme de la chose ne distrait pas de votre jeu verbo-moteur.

En bout de ligne, un truc, c’est une petite triche pour nous amener à de nouveaux réflexes. À force de faire un petit mime ici et là, et de prendre conscience de notre corps, où il est et à quoi il a l’air, on finit par apprivoiser cet aspect de notre jeu. On se retrouve de plus en plus à l’aise en jeu physique, voire même entrer volontier dans ces satanées sans sons et sans paroles. Peut-être que ça ne devient jamais notre grande force, mais la véritable utilité d’un joueur est dans sa polyvalence, pas dans son expertise. On ne sait jamais ce que le jeu voudra nous lancer comme défi. Mieux être prêt à toute éventualité.

Vous voulez écrire un article? Communiquez avec nous à improvisationnb@gmail.com!

Laisser un commentaire