Par Michel M. Albert
Un des paradoxes de l’impro, c’est que ça demande à la fois de la confiance et de l’humilité.
De l’humilité? Vraiment? Des fois, avec les arbitres arrogants et les joueurs vantards qui se pavanent sur la scène, on dirait que non. Mais si on regarde la façon dont le jeu est structuré, on verra qu’effectivement, on demande à nos improvisateurs d’être humbles.

D’une part, l’exercice est de simultanément écrire, mettre en scène, et jouer des scènes improvisées et ensuite DE DEMANDER LE JUGEMENT DU PUBLIC. Déjà là, ça demande une certaine humilité. Même si on a trouvé que ce qu’on faisait était bon, on peut perdre le vote. Notre opinion ne compte pas. C’est le public qui décide.
L’arbitre, de plus, donne des punitions. Oui, ce sont des notes pour améliorer le jeu, mais on le fait EN PUBLIC. On risque L’HUMILIATION. Parce que justement, les joueurs ont besoin d’apprendre l’humilité. Que même s’ils gagnent le point, un expert peut leur dire qu’ils s’y sont rendu de la mauvaise façon, ou qu’il y a place à l’amélioration. Pas en privé, pas en confidence, mais devant tout le monde où le joueur devra assumer ses torts.
Mais à quelles fins? Pourquoi l’humilité est-elle au cœur de l’impro-match? Je dirais d’abord que c’est parce que c’est un jeu d’équipe. On doit apprendre que ce n’est pas un one man show, qu’il faut non seulement valoriser son équipe, mais aussi respecter ses adversaires. Et au-delà des équipes, on doit se plier aux besoins de l’impro en cours. Quand on veut être vedette, mais que l’impro n’a besoin qu’un bref rôle de 3e joueur. Quand l’adversaire a le bon personnage et qu’on est relégué à celui de straight man. Il faut apprendre qu’il n’y a rien de mal là-dedans. L’impro est la maîtresse, pas le joueur.

Et l’arbitre n’est pas exempté de cette leçon, car on lui demande d’être au centre d’un spectacle où il doit laisser la majorité du temps de glace aux joueurs, des joueurs qui ne vont pas interpréter ses thèmes comme il les imaginait, des joueurs qui seront applaudis de la foule alors qu’il sera hué. Tout fait outrage à ce «maître absolu du jeu ».
Et puis, c’est de l’improvisation. Pour 99% du monde, même notre meilleur improvisateur n’est pas « célèbre ». Nos meilleures impros deviennent immédiatement des souvenirs, des œuvres qu’on n’a pu apprécier qu’une seule fois. C’est éphémère. Un pet dans le vent.
Et ça, c’est l’ultime leçon d’humilité.
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