Trois leçons d’impro de Stan Lee

Par Michel M. Albert

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Hier, le grand Stan Lee, co-créateur de la grande majorité des personnages connus publiés chez Marvel Comics – Spider-Man, les X-Men, Hulk, Iron Man, les 4 Fantastiques, et j’en passe – est décédé à l’âge de 95 ans. Même ceux et celles qui n’ont jamais lu une bande dessinée américaine connaissent ses créations, et ont une bonne chance de savoir qui il est, de repérer ses scènes dans les films Marvel, etc.

Un écrivain de b.d., est-ce que ça a quelque chose à nous apprendre côté improvisation? Voici trois leçons que je peux dégager de son travail.

1. La Méthode Marvel et cueillir les fruits de la collaboration.
Une des innovations de Stan Lee était la « Marvel Method » qui donnait à sa petite compagnie un avantage en termes de productivité et de rapidité. Au lieu qu’un écrivain soumette un script à un artiste qui le dessine et ainsi de suite, Stan faisait essentiellement un caucus avec l’artiste, l’artiste dessinait l’histoire comme il l’imaginait visuellement, et seulement là, Stan écrivait ce qui allait dans les bulles (paroles, pensées, etc.). C’est un peu comme ça qu’il pouvait signer son nom à autant de comics par mois! Le résultat était une collaboration plus étroite où les deux personnes avaient leur mot à dire, et le produit final n’était pas ce que Stan avait nécessairement imaginé au tout début. Ça sonne comme une mixte, ça.

Nous aussi, on a un caucus, on entre avec une idée, quelqu’un d’autre la modifie, nous la relance, et en bout du compte, on a quelque chose que seul, on n’aurait pas pu imaginer. La leçon, c’est que c’est BON de faire ça. Aucune idée de nous appartient complètement, et la confronter à celles des autres (en caucus, en jeu) peut la rendre meilleure, la faire évoluer, la faire NOUS surprendre.

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2. Le conflit peut être interne.
Il y a plusieurs sources de conflit possibles en fiction, et donc en impro. Celle que Stan Lee a le plus développée est le conflit interne. Alors que les héros de la compétition étaient des gens plutôt parfaits qui se battaient contre des forces extérieures, chez Marvel, c’était différent. Les héros avaient des problèmes personnels – ils avaient des troubles d’anxiétés, des handicaps physiques, faisaient partie d’une minorité, mais surtout, avaient de la difficulté à gérer leur temps entre vie civile et vie masquée. Et ça les rendait plus HUMAINS.

En impro, on peut y prendre une leçon en construction de personnage. Des fois, on peut espérer que le conflit se matérialise pendant l’impro, à la rencontre des moteurs, mais ça n’arrive pas toujours. Cependant, si au caucus, ou intérieurement, on a préparé un conflit interne, il peut facilement prendre le dessus et motiver l’improvisation. À son plus simple, le personnage est rempli de regret, de peur, d’amertume, de mépris, d’impatience, de nervosité pour l’objet de l’improvisation. Le thème demande pour un lieu ou une situation, mais notre personnage a un conflit avec la prémisse. Exemple : L’impro demande qu’il soit à la plage mais il… a peur de l’eau, ne peut pas décrocher de son travail pour vraiment être en vacance, trouve ça sale, est le premier poisson à sortir de l’eau et marcher, etc. Son pire ennemie dans l’impro, c’est lui-même, ses pensées, ses anxiétés, son corps. Il est un personnage de Marvel.

3. Le culte de la personnalité.
Une des grandes expertises de Stan Lee, c’est s’identifier à son œuvre, et se vendre. C’est la raison pourquoi il est si connu en dehors du médium de la b.d. C’est pourquoi il apparaît dans plein de films de super héros, une tradition qui remonte aux comics eux-mêmes, où comme narrateur, il se nommait lui-même et faisait mine qu’il vivait vraiment dans cet univers coloré. Il S’ADRESSAIT à son public. La relation était tangible, intime. L’envers de la médaille, c’est que la majorité des critiques à propos de Stan Lee, c’est qu’en tant que visage de la compagnie, il a semblé prendre le crédit entier pour des co-créations et a froissé plusieurs collaborateurs.

Le leçon, c’est de faire comme Stan Lee, mais aussi ne ne pas faire comme Stan Lee. D’une part, soyez ambassadeurs de l’impro. Si vous voulez que les gens assistent à vos matchs, donnez leur l’impression que vous êtes divertissant et que ce spectacle est à votre image. Sur place, vous représentez votre équipe, votre ligue, la discipline. Votre comportement compte pour quelque chose, et doit respecter le public. D’autre part, même si vous devenez vedette et jouissez de cette « identification » avec le jeu, n’oubliez jamais que c’est une discipline collaborative, que vous ne pouvez faire ce spectacle seul, et soyez humble. Quand les gens vous félicitent, mentionnez les autres personnes qui ont aidé à faire votre succès, et en même temps, ne prenez pas crédit pour les leurs. La meilleure impression qu’on peut laisser à notre public, c’est que c’est une grande équipe qui est responsable de leur divertissement, car il y a un important message là-dedans, dont l’impro est le véhicule.

Alors merci, Stan Lee. Pour tes co-créations, pour ton office d’ambassadeur du monde de la bande dessinée, mais aussi pour les leçons que tu nous as enseignées, sans le savoir, pendant une longue vie remplie.

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