Par Michel M. Albert
À la dernière formation des officiels d’Improvisation Nouveau-Brunswick, le groupe a dessiné un schéma qui servira à arbitrer et juger les improvisations. Ce schéma cherche à combattre le confort dans lequel les équipes peuvent parfois s’enliser, un confort qui est anti-impro, car il décourage la prise de risque, et donc la véritable improvisation.
Les joueurs et entraîneurs feraient donc bien de prendre cet article à cœur. Il aura définitivement un effet sur leur trajet en tournoi. Le schéma met en opposition ce qui est considéré de la bonne impro (à gauche) et son inverse (à droite) :

Improvisation | Confort
À la racine de cette idée, l’improvisation est, en soit, un état d’inconfort. C’est dans cet inconfort qu’on trouve la tension qui rend le jeu intéressant, autant pour les participants que le public. Aussitôt qu’on joue de façon confortable – des idées faciles, des personnages bien rodés, des joueurs qui refusent d’essayer des catégories qu’ils trouvent difficiles, des équipes qui poussent leur caucus par crainte de ne plus savoir où ça s’en va – on perd cet tension, et on crée des improvisations qui ne sont ni surprenantes ni mémorables. Il ne faut pas avoir peur d’avoir peur. Ne pas être certain de l’issue de notre impro, voilà la magie-même du jeu. Quand on se surprend soi-même.
Organique | Stratégique
Les arbitres et les juges pourront dorénavant pénaliser les équipes qui, au lieu de laisser l’impro se dévoiler organiquement et naturellement, utilisent des stratégies pour manipuler l’impro et l’opinion du public au détriment de l’histoire qui se déroule. Exemples de tels stratèges : Entrer dans la dernière minute pour faire un revirement ou amener une nouvelle idée qu’invariablement on n’a pas le temps d’exploiter; envoyer un joueur dans l’arène aussitôt que l’autre équipe en envoie un; le joueur qui rentre pour voler la vedette; etc. Quand de tels gestes sont nés d’un désir de se faire remarquer juste avant le vote, il serait même question d’une forme de triche. Quoi qu’il en soit, les équipes seront évaluées sur la qualité de leurs interventions : Est-ce que celle-ci semble naturelle à l’impro en cours, ou est-elle plutôt dérangeante et ne cadre pas bien dans l’histoire ou le ton établis?
Avancer | Répéter
Pour qu’une improvisation soit bonne pour la durée imposée, elle doit progresser. Les joueurs se priveront donc de répéter les mêmes moments plusieurs fois dans la même impro. À travers l’écoute, le joueur doit trouver le prochain élément à développer, et ne doit pas retourner en arrière aussitôt qu’il manque d’idées. Se répéter, c’est facile, c’est confortable, mais ce n’est pas très intéressant. Et notez qu’avancer n’implique pas nécessairement un mouvement dans l’espace (il y a plein d’improvisations statiques et répétitives où les joueurs vont d’une place à l’autre sans pourtant faire avancer les choses. Dans une bonne impro, on en apprend davantage sur le monde et les personnages créés à mesure que le temps avance. Il y a toujours quelque chose de nouveau à voir, entendre et apprécier.
Créativité | Formule
Quand on parle de répétition, on parle aussi de formules que l’on voit d’une impro à l’autre. C’est bien beau faire certaines formules (l’émission de cuisine, le informercial, etc.) quand on commence – un moment donné, c’était NOUVEAU pour NOUS – mais après un certain temps, il s’agit de paresse que de les utiliser sans leur trouver un nouvel angle. Est-ce que c’est encore improviser si on utilise toujours les mêmes idées, cadres et façons de faire? Les équipes seront donc évaluées sur la fraîcheur de leurs idées, c’est à dire, leur créativité. Avant d’aller faire une improvisation que vous avez vous-même vu cent fois, pensez-y bien. Et réfléchissez sur les clichés qui sont internes à votre propre équipe. Votre approche aux improvisations est-elle toujours plus ou moins la même? Y a-t-il des types d’impro qui reviennent plus souvent qu’à leur tour?
Générosité | Égoïsme
Le paradoxe de l’impro, c’est qu’on gagne à donner des opportunités à l’autre. Le joueur qui prend toute la place, qui force ses idées sur ses adversaires, qui joue pour l’étoile, c’est un joueur qui risque d’être déçu. D’une part, il se fie à ses idées et seulement ses idées. Il se fatigue plus vite. Il n’a pas accès aux idées de l’autre pour l’aider à façonner ses contributions à l’impro. Il se rend antipathique aux juges et aux autres participants. Le bon joueur, lui, est généreux. Il brille, entre autre parce qu’il fait briller l’autre. Il veut que l’impro soit bonne, pas que lui seul le soit. Bien que plus subtil comme qualité, les juges seront à l’affût de celle-ci et sauront la récompenser.
Si on met la barre un peu plus haute cette année, c’est que les joueurs sont victimes de leur propre succès. Grâce au circuit primaire et aux Jeux de l’Acadie, nos joueurs commencent plus tôt, leur compréhension du jeu et calibre général sont plus élevés que ceux des générations précédentes au même âge. Donc les bases – construction, personnages, etc. – sont mieux maîtrisées et ne suffisent pas comme critères pour les arbitres et juges. Mais mettre la barre haute, c’est quelque chose de positif. Ça crée un plus grand inconfort, et c’est dans cet inconfort que l’on produit les meilleures impros!
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