Les deux mécanismes d’adaptation

Par Michel M. Albert

L’improvisation, c’est en partie la capacité de s’adapter à l’inconnu, l’imprévu, et l’inconfortable. Un auteur que je lis tout de suite, Jaroslav Kalfař, en parle dans son roman Spaceman of Bohemia, et suggère qu’il y a essentiellement deux mécanismes d’adaptation. Et donc deux types de joueurs d’impro?

58430311_2573597722714676_192585723667283968_oLe premier c’est d’avoir peur du chaos, se battre avec lui, bâtir une vie structurée où chaque décision est, dans le fond, une réaction à la peur que le pire puisse arriver. Ici, on parle du joueur qui, face à une impro qui déglingue, la ramène à son caucus ou son idée. Le joueur qui utilise des stratégies pour s’assurer que l’improvisation fait du sens, se rend quelque part, n’est pas confuse, s’inscrit dans un genre. Quand quelqu’un fait une erreur, il sait comment la réparer ou l’effacer avant que ça n’aille trop loin.

Kalfař dit que ce type de vie ne peux pas être gagnée, mais qu’elle offre les conforts de la bataille. En d’autres mots, que le joueur est contenté par les distractions de la guerre. Ce joueur n’est jamais complètement satisfait, parce qu’il VOIT toutes les erreurs. Il se brûle à les éviter et les réparer. Il pense toujours après à ce qu’il aurait pu faire et à comment l’impro a été déroutée.

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L’autre mécanisme d’adaptation est l’acceptation de l’absurde. Quand on réalise que tout ce qui existe est, fondamentalement, peu probable, autant en dehors qu’à l’intérieur de l’arène, ce joueur refuse de se battre contre l’absurde. Il regarde autour de lui, et il se dit « Comme c’est improbable! Ça a pas de bon sens! Et pourtant, nous voici! » Il en rit, il laisse les courants le porter, appréciant la baignade sans nager contre les vagues.

Ce joueur plus réactif laisse l’impro arriver, organiquement, quitte à ce qu’elle soit complètement farfelue, voire même confuse. Sauf qu’il ne s’en fait pas trop. Il n’est pas le joueur qui se fait du mauvais sang parce que telle ou telle impro n’a pas fonctionné. Des fois c’est bon, des fois ce ne l’est pas, et il voit ça comme la nature du jeu.

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Il n’y a pas un mécanisme qui est meilleur que l’autre. C’est vraiment selon le caractère inné du joueur. Le premier approche donnera des impros plus structurées, mais risque le déjà vu. Le second bénéficiera plus facilement d’originalité, mais en suivant l’énergie particulière d’une improvisation, on peut se noyer dans le chaos et vivre l’échec.

Le bon joueur verra quand utiliser chacun. Des fois il faut se laisser aller dans la danse, et d’autres, pousser l’improvisation dans la bonne direction pour éviter les obstacles.

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