Par Isabel Goguen
Le MC lance cette phrase familière annonçant la fin d’une période et le début d’une pause. Ce court arrêt de jeu passe typiquement inaperçu, inspirant rarement une réflexion quant à son fonctionnement, à son utilité et à sa pertinence au déroulement d’un spectacle.
Lors de ses premières années d’existence, le match d’improvisation était chronométré en entièreté à l’aide d’une horloge affichée. Après chaque période , une sonnerie marquait le début d’une pause de 5 minutes. Et s’il y avait une improvisation en cours? On s’arrêtait et reprenait du même endroit suite à la pause! Ce format était en vigueur pendant quelques années seulement, se transformant progressivement vers la structure que l’on voit aujourd’hui, où les durées des improvisations et l’estimé des procédures sont calculés d’avance. Dans le contexte actuel, la pause est réduite et devient plus fluide. N’ayant plus une durée stricte, elle s’ajuste plutôt aux réalités du match.

Les officiels, notamment l’arbitre, observent attentivement les gens autour d’eux et réfléchissent au contexte du match afin de décider si la pause tire à sa fin. D’abord, ils dirigent leurs regards vers les joueurs et les officiels. Est-ce qu’ils sont tous présents dans la salle? Est-ce que les équipes sont toujours en discussion sérieuse ou ont-elles terminé? Puis, ils regardent le comportement du public. Est-ce qu’il y a des membres du public qui ont quitté la salle? Est-ce que la majorité est de retour? Sont-ils plusieurs en ligne pour un breuvage ou une grignotine? Si oui, est-ce que ceci cause du bruit qui pourrait nuire au spectacle? Et finalement, quels sont les besoins propres à l’événement? Bien que la pause bénéficie d’une certaine flexibilité, ce n’est pas le cas pour l’horaire d’un tournoi. Ainsi, même si l’on vise commencer la prochaine période à un temps accommodant le maximum de gens sur la scène et dans le public, les demandes de l’horaire ne permettent pas toujours d’attendre les conditions parfaites. Il est essentiel que les matchs ne prennent pas de retard significatif, donc les officiels ont le souci d’assurer que les pauses ne se prolongent pas au point où les matchs suivants en souffrent. De tout façon, le début de la période encourage souvent les gens à rapidement s’installer et être à l’écoute!

Est-ce qu’il y a une durée idéale pour une pause? Il n’y a pas de chiffre magique, mais typiquement elle se retrouve entre 45 secondes et 2 minutes. Bien qu’on ne veuille certainement pas une pause si courte qu’il est pratiquement impossible d’identifier si elle a eu lieu, il est beaucoup plus grave d’allouer une pause trop longue. Lorsqu’elle s’éternise, il est facile de briser le momentum et le rythme du spectacle. Le danger est de pousser les gens présents vers un état semblable au début du match où les joueurs, les officiels et le public ne sont plus réchauffés et conséquemment, l’énergie est à la baisse, les idées se forment plus lentement, la collaboration et complicité entre les équipes est réduite et les membres du public réagissent moins.
Si la pause présente autant de risque, pourquoi en avoir une? Serait-il mieux de présenter 55 minutes de spectacle continu? Certains ont exploré ce format en faveur d’étendre la durée des improvisations ou d’ajouter des improvisations additionnelles. Est-ce que la pause serait donc une procédure inutile?

Une pause peut sembler comme un délai non-nécessaire ou un simple obstacle au reste du match quand on ne la pas besoin. On y attribut des simples actions pratiques comme une occasion pour le public d’acheter un breuvage, ou au joueur de remplir sa bouteille d’eau ou encore de visiter les toilettes. Parfois, c’est le moment opportun pour réparer un micro brisé. Toutefois, la perspective change pour une équipe qui nécessite ce temps pour se rallier et adresser des problèmes qui ont fait surface pendant la période précédente. Peut-être que les joueurs manquent d’énergie, qu’ils ne travaillent pas ensemble, ou qu’ils ont un état d’esprit négatif. Le temps est extrêmement limité entre les improvisations pour discuter de ce qui ne fonctionne pas. La pause devient donc indispensable pour se remonter le moral, souligner un défi ou un blocage, et remettre le focus à la bonne place. L’improvisation est une discipline largement psychologique. Une équipe décousue, déconnectée ou distraite par le pointage actuel peut bénéficier d’un moment privé entre coéquipiers pour s’encourager, se motiver, se donner conseil et ultimement, offrir une meilleure performance par la suite. L’arbitre peut s’en servir à des fins similaires en faisant des rappels aux équipes ou mentionner de problèmes récurrents, ou encore répondre les questions des autres officiels afin d’appuyer le reste du match.

Les équipes en jeu doivent respecter l’espace de l’autre pendant la pause afin de permettre à chacun d’utiliser à son plein potentiel ce temps de conversation. S’imposer dans la pause de l’autre équipe, même par semblant d’amitié, pourrait même être rude envers une équipe qui autrement aurait profité du moment pour maximiser leur chimie d’équipe et leurs capacités.
Bien qu’on n’en ait pas toujours besoin, la pause existe et est prête à passer à l’action pour nous aider, comme le 7e joueur de notre équipe. La pause, c’est un peu le plombier du match.
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