Par Michel M. Albert
On entendra souvent le vieil adage qu’une impro devrait comporter un début, un milieu, et une fin. En particulier en comparée où on a plus de contrôle sur l’histoire (l’article présent prend pour acquis que l’on est en comparée). Ça sonne assez simple, mais c’est très réductif, et on retrouvera des joueurs qui, par inexpérience des précédés narratifs possibles, s’en tiennent aux mêmes sortes de débuts (rencontres entre gens qui ne se connaissent pas, par exemple) et fins (où tout est bouclé pour de bon).
Le milieu, ce n’est que les éléments qui nous font passer du début choisi à la fin visée, c’est ce qui est le plus improvisé, dans le fond. Donnons plutôt un éventail plus complet de ce que l’on peut retrouver aux deux bouts de l’improvisation. Comme exercice, tentez de commencer une impro de chacune de ces façons pour voir comment ce début informe votre milieu.

Des débuts
1. Par quelque action définie (ex. : une pierre lancée brise une fenêtre et fini dans le milieu de l’aire de jeu).
2. En établissant une atmosphère.
3. Par l’entrée d’un narrateur qui présente la scène.
4. Par le personnage principal qui présente ses objectifs (en monologue ou action).
5. Par des personnages secondaires à l’action qui présentent le lieu avant l’entrée en scène de personnages plus importants.
6. En silence, au milieu d’un vide.
7. Avec une foule de joueurs habitant l’espace dès le début.
8. Avec des bruits distants que les personnages remarquent.
9. En commençant en plein milieu de l’action, faisant référence à ce qui est arrivé seulement plus tard dans la scène.
10. Par la fin, pour ensuite retourner en arrière pour expliquer comment on s’est rendu là.

Comme vous voyez, tout cela est plus simple en comparée qu’en mixte où les joueurs pourraient avoir différentes stratégies. Tentez quand même de brouiller les cartes pour pratiquer les débuts de mixtes si vous le voulez. Qu’est-ce qui arrive si un personnage principal avec un but très fort (4) entre avec un personnage secondaire qui ne fait qu’établir le lieu (5) ou un joueur qui établi rapidement la roche qui casse la fenêtre (1)?
Une fois le début entamé, c’est une question d’improviser le milieu et chercher une fin. Je dis bien « chercher », parce que choisir une fin comme on le fait un début, c’est de l’anti-impro. Il faut laisser l’improvisation nous guider organiquement vers une fin. Connaître les différentes fins possibles nous aide donc à rester ouvert aux fins possibles et à arriver à la meilleur destination selon les circonstances. Dans l’exercice proposé, l’entraîneur peut forcer une certaine fin quand l’impro est dans sa dernière minute, ou tout simplement arrêter le jeu pour demander QUELLE des fins discutées serait la meilleure, puis laisser les joueurs s’y rendre. L’important est de développer des réflexes d’écrivain qui ensuite peuvent être utilisés dans toute impro jouée.

Des fins
1. Lentement résoudre les conflits et problèmes jusqu’à ce qu’il n’y en reste plus.
2. La révélation surprise (un punch final).
3. En queue de poisson, une fin qui n’en est pas une et qui laisse le public en suspense.
4. Une fin dramatique, comme la mort d’un personnage.
5. Une fin comédique, comme un mariage ou autre célébration après les défis surmontés.
6. Un retour au début, qui soit présente la situation comme un cycle qui recommence, ou dans le cas d’avoir commencé par la fin, un retour à cette fin.
7. En vidant la scène subitement (tout le monde, ou presque tout le monde, quitte) ou en remplissant une scène vide (la vie continue, le personnage principal rejoint la société).
8. En préparant le public à une sorte de fin, puis en changeant cette fin dans les dernières 30 secondes (ex. : il est évident que ça va finir mal pour un personnage, mais oups, ça fini bien).
9. Par un narrateur (introduit avant ou non) qui conclue la scène avec quelques paroles, voire un épilogue qui remplace l’action que l’on ne peut pas présenter avec le temps qui reste.
10. Avec une morale, parlée par un personnage ou un narrateur.

Le travail de l’improvisateur qui veut une « fin » est de trier ces idées et voir ce qui est le plus approprié, tout en restant à l’écoute des autres joueurs parce qu’on ne peut pas tous avoir une différente idée et la mettre en action. Est-ce qu’il vous reste beaucoup de temps? Une lente résolution (1) est peut-être de mise. Très peu? Tout simplement créez un point d’orgue, un moment de suspense qui laisse le public sur sa faim (3). Ou est-ce que c’est fini, mais il reste du temps? C’est l’opportunité d’ajouter un épilogue (9) ou une morale (10).
Quoi qu’il en soit, le début choisi doit inspirer les développements du « milieu », et ce milieu doit viser une fin quelconque, mais celle-ci reste fluide jusqu’au moment où les joueurs font la décision finale. Jusqu’à celui-ci, toutes les fins restent possibles.
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