À l’écoute

Par Jean-Michel Cliche

J’avais récemment changé d’école et je trouvais cela extrêmement difficile. L’école était beaucoup plus petite et les autres élèves se connaissaient depuis la maternelle. Je me sentais un peu à part. Encore pire, c’était ma première expérience à une école entièrement francophone. Mon accent d’immersion française était évident (il l’est encore) et j’étais craintif de parler devant mes pairs. Ça me prenait une seconde de trop pour trouver mes mots, ce qui a ajouté à ma difficulté à jaser avec les autres élèves ou à répondre aux questions en classe. Honnêtement, ça faisait un peu pitié.

L’impro, dans sa forme pure, c’est de l’interaction sociale. Tu apprends à écouter, à partager la langue avec quelqu’un et à prévoir les ruelles possibles d’une conversation. Alors, quand un prof m’a forcé à assister à une pratique d’impro… It kind of blew my mind. Tout à coup, j’étais conscient des règles et structures qui constituent une conversation, comme voir un programme d’ordinateur en opération. L’improvisation était le Matrix, pis moi j’étais Keanu Reeves sur le point d’apprendre comment faire des amis comme si c’était du kung fu.

Aujourd’hui, ce « programme » d’impro existe dans chaque aspect de ma vie. Je le vois partout. Et je pense que c’est une réalité pour la plupart des improvisateurs. Nous passons tellement de notre temps à reproduire la parfaite conversation sur scène, que l’on ne peut pas résister à analyser toutes nos interactions hors-scène de la même façon. Tu remarques quand le même guy monopolise la conversation toute la soirée (Trop de « et », pas assez de « oui ») ou quand tu vois la personne avec qui tu parles penser à sa réplique avant même que tu aies fini ta phrase (manque d’écoute). Tu te rends surtout compte quand quelqu’un n’a pas la chance de parler, les individus qui ne trouvent pas la chance d’ajouter à la conversation et qui se sentent à part. Apprendre à faire de l’impro, c’est apprendre l’empathie. Elle nous donne la capacité d’imaginer comment quelqu’un d’autre peut se sentir et de pouvoir manipuler la conversation au profit des autres. Ces habiletés sont essentielles pour quelqu’un qui se rattache au monde des arts… ou n’importe quelle industrie, vraiment. Les gens ne veulent pas s’entourer de scene hogs ou de ceux qui ne veulent pas les écouter. Ils veulent partager leur temps avec des personnes généreuses, sympathiques, et le fun. Pis ça, c’est nous autres!

L’improvisation elle-même est belle, nuancée, et amusante pour les animateurs et leurs publics. Mais récemment, ma fascination est moins au sujet de la technique, et plutôt concentrée sur les changements qui sont faits au niveau personnel. Pour moi, les résultats sont clairs. Je suis qui je suis grâce à l’impro. Mais est-ce que cet effet est universel? Ma recherche est primitive, mais signs point to yes. Pendant ces dernières années, j’ai eu la chance d’observer mes étudiants – ados et adultes – se transformer dans des cours d’impro. Les plus dominants et rugueux sont devenus doux et conscients des autres, tandis que les plus timides ont pu trouver leur voix.

Ok, alors ici, ça devient un peu d’actualité. Gardant tout ça en tête, il me semble évident qu’on a besoin de nos improvisateurs ces jours-ci… Parce que c’est devenu un peu rough. La peur, la méfiance, et l’anxiété sont à leur summum tout de suite. Comme improvisateurs, je crois que nous avons une responsabilité de faire ce que l’on fait le mieux : se concentrer sur les conversations autour de nous. Utiliser notre voix quand nécessaire, mais surtout écouter. Rester ouvert, souple, et disponible. Garder une oreille tendue aux personnes qui n’ont pas autant l’opportunité de s’exprimer et, si possible, manipuler le Matrix pour leur donner une chance de faire partie de la conversation.

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