Par Isabel Goguen
T’es dans le milieu d’une mauvaise impro. Une très mauvaise impro. L’arbitre est du même avis, et donc, il fait retentir ces deux coups de sifflet qui indiquent le début d’un nettoyage. Tu reçois un caucus supplémentaire de 20 secondes pour sauver cette impro. Que fais-tu?
Avant tout, il faut rapidement faire le deuil de l’impro en cours. Les joueurs en jeu avaient probablement de bonnes intentions et voulaient donner un spectacle de qualité, mais ultimement, ça a mal tourné. Peut-être que t’es frustré parce qu’un autre joueur a introduit une idée dégoûtante, ou a complètement bouleversé la trajectoire pour le pire, ou n’a pas compris ta proposition. Il faut laisser aller ces frustrations avant de tenter de réparer le dommage. Celles-ci sont un mind killer et empêcheront l’utilisation efficace et productive du nettoyage.

Maintenant, tu peux te concentrer à décortiquer ce qui ne fonctionne pas. Parfois, il est simplement question de prendre quelques secondes pour se remettre de son décrochage. Toutefois, lorsqu’une impro a besoin d’un changement important, les joueurs peuvent réfléchir à quelques questions : À quel moment est survenu l’élément problème, soit la racine de celui-ci? Est-ce qu’il se trouve au niveau de la prémisse, d’une nouvelle proposition ou péripétie, d’un personnage? Est-ce qu’il est causé par l’inaction ou trop d’action? Est-ce que c’est un fondement de cette impro ou c’est une décision qui peut être renversée? Si c’est facile à éliminer, tant mieux! On poursuit sans cette idée douteuse ou en remédiant rapidement à celle-ci. Par exemple, un personnage malade cause des péripéties dégueulasses, et donc, la prise de médicaments fait disparaître les symptômes. Puis, on se lance dans une direction modifiée. Plus difficile est le travail d’intégrer ou améliorer un aspect essentiel à l’impro, et ce, sans commencer une histoire complètement différente. Dans ce cas, plus important qu’identifier le mauvais, il faut souligner les parties potables.

Même dans les pires impro, il y a quelque chose de bon. Des fois c’est microscopique, mais c’est là. Peut-être que les personnages ont une dynamique ou des caractéristiques intéressantes, que le lieu offre des opportunités créatives, ou qu’une partie de l’histoire est intrigante. Bâtissons à partir de là, comme si on recevait un deuxième carton de thème pour alimenter ce deuxième caucus. Le nouveau thème du reste de l’improvisation est un amalgame des bonnes idées proposées avant l’arrivée du nettoyage. À partir de celles-ci, les joueurs y ajoutent un nouvel élément ou se concentrent sur un objectif non-exploré afin de motiver et rediriger l’impro. Les joueurs demeurés sur le banc peuvent offrir des observations et points de vue externes utiles, ressortant des informations qui ne sont pas immédiatement évidentes pour les joueurs en jeu. Le temps restant dans l’impro fourni une nouvelle durée à ce deuxième carton de thème. Lorsqu’un arbitre demande un nettoyage, il reste typiquement, au minimum, 1 minute à l’impro. La durée en question permet d’ajuster ces propositions à ce qui est possible d’établir ou de résoudre d’ici la fin de l’impro.

Pendant un caucus enclenché par un nettoyage, il est possible que les équipes identifient différentes forces et faiblesses de l’impro en cours, et trouvent des solutions opposées. Comme c’est le cas lors d’une mixte habituelle, les joueurs retournant dans l’impro doivent faire preuve d’écoute afin de combiner et intégrer les idées des deux équipes. On vise reprendre dans le feu de l’action évitant trop d’hésitation ou de surexplication qui ronge le temps limité à sa disposition pour offrir une suite supérieure au début.
Il peut paraître impossible d’accomplir toutes ces réflexions en 20 secondes. Mais, on n’arrête pas de penser la seconde que ce deuxième caucus se termine. Les joueurs en jeu et sur le banc continuent de réfléchir, d’améliorer et de corriger l’impro jusqu’à ce que le sifflet final résonne. Et quand ce moment survient, on peut revisiter le premier point, le deuil. Peut-être qu’on a réussi à transformer une mauvaise impro en une bonne impro, ou en une impro juste ok, ou encore peut-être qu’on n’a jamais réussi à la ramener. On laisse ces frustrations et sentiments aller, puis on continue le match sans le fantôme du nettoyage et de cette affreuse impro qui nous suit.
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