Par Michel M. Albert
Quand on y pense, dans la vie de tous les jours, on joue plusieurs rôles selon notre relation avec les autres. Au courant d’une journée, la même personne peut être un parent, un enfant, un époux, un collègue, un superviseur, un employé, un voisin, un ami, un ennemi, et ainsi de suite. Même personne, mais différentes relations.
On pourrait donc dire qu’une facette importante du personnage est sa relation avec autrui. Dans une impro de 3 minutes, on n’a pas toujours le temps d’exploiter cela à fond, évidemment, mais les débuts d’une improvisation vont souvent avoir un impact décisif sur les personnages en jeu.
Par exemple, on peut avoir en tête de jouer un travailleur de construction à l’étape du caucus, mais l’attitude de l’adversaire peut tout changer. Disons que nous avons établi le chantier de construction. Si l’adversaire agit comme un patron, on devient l’employé. S’il veut des directives, on devient superviseur. Est-il compétiteur ou partenaire? Est-il bon à sa job ou pourri? Et VOTRE travailleur, quelles décisions avez-VOUS prises qui affectent cette interaction? Ces premiers choix changent l’histoire qui sera racontée, bien sûr, mais aussi quelles facettes de votre personnage vous pourrez ou voudrez montrer.
En quelque sorte, votre personnage est exposé par celui de l’autre, et vice-versa. On n’aurait jamais découvert qu’il avait un mauvais caractère qui le faisait faire des erreurs si ce n’était que son rival était entré sur scène. Ou, dans une autre version de la même impro, qu’il était célibataire, si ce n’était que sa mère était entrée pour lui donner sa boîte à lunch. On devient ce que les autres font de nous (ce qui est aussi vrai dans la réalité).
Maintenant, imaginons que ces DEUX personnages sont présents dans l’improvisation de notre travailleur de construction. Il n’agit pas de la même façon avec Jerry qu’avec Maman. Pour le public, c’est la chance de voir deux couleurs d’un même personnage. Pour le joueur qui l’incarne, le défi est de quand même rendre la performance cohérente. Par exemple, si on sait déjà qu’il est frustré avec Jerry, il aura peut-être honte que sa mère se pointe sur le chantier. Si au contraire on a commencé avec la boîte à lunch, peut-être que la rivalité entre lui et Jerry plus tard contient un élément de frustration romantique – ils sont rivaux à cause d’une fille qu’ils veulent impressionner.
Un exercice à tenter en pratique qui aide à développer ce « personnage changeant » serait de constamment changer le partenaire du joueur en jeu. Ayant décidé d’un personnage de base, il interagit avec son collègue, son patron, son parent, son partenaire romantique, son ennemi, son enfant, son mentor, un pur étranger, son pen pal de la Norvège, etc. Plus on ajoute de relations au personnage, plus il a de profondeur, et plus le joueur apprend à adapter son personnage choisi face au joueur adverse en situation de jeu.
Parfois, on a envie d’abandonner notre idée quand on voit le personnage de l’autre, mais il est toujours mieux de fondre notre idée à la sienne, et d’explorer la dynamique unique qui se crée entre les deux personnages ainsi garrochés dans l’arène. Comme c’est le cas dans la vie, une même personne contient un multitudes de personnages.
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