Drôle ou tout simplement efficace

Par Cloé Allard

C’est une conversation au bureau. Des observations sont échangées au sujet d’un événement quelconque survenu pendant la journée. J’offre un commentaire bref et le groupe ris soudainement à gorge déployée.

« T’es assez comique! »

Je prend un moment pour réfléchir. Je ne suis pas en désaccord nécessairement, mais je sais que ce commentaire n’aurait pas causé cette réaction dans mon groupe d’amis habituel et je me demande pourquoi. Ce n’est pas pour insinuer que mes collègues de travail sont simplets ou sans humour, loin de là, mais la répartie n’est pas leur style habituel d’humour. Peut-être se réjouissent-il à raconter des histoires ou bien à s’envoyer des memes, mais je croise peu de gens dans la vie de tous les jours avec une bonne répartie.

C’est également ce genre de situation qui crée le « t’es drôle, tu devrais faire de l’impro! » et là on se retrouve avec quelqu’un qui se décourage rapidement parce que oui, ils sont drôles dans la vie de tous les jours, mais leurs impros ne vont nulle part, ou sont entièrement cabotine puisqu’ils ne comprennent pas entièrement le jeu. Je suis coupable de ceci. Au quotidien je me sens comme un pistolet fumant, bam, bam, quick wit, one-liner, j’ai du plaisir. Mais, l’impro-match est un peu un cauchemar pour moi puisque mon humour rapide devient ma béquille, et on ne bâtit pas grand chose sur un commentaire amusant mais vide. J’insiste toutefois que mon objectif n’est aucunement de sous-entendre que les seuls gens capables d’être intéressant sont des improvisateurs, promis!

Cette réflexion m’a amenée à la conclusion qu’à la base, le fait d’avoir ou non un excellent sens de l’humour affecte peu le résultat de l’humour entre connaissances/collègues de travail. Dans de telles circonstances, ce n’est pas la qualité de l’humour, mais plutôt son efficacité qui est importante.

L’efficacité est un des piliers de l’improvisation et je crois que la répartie (quand je dis ça, c’est parce que je ne trouve pas de synonymes franco qui semble vraiment traduire clever ou witty – on n’utilise pas trop « faire de l’esprit » par ici) tombe pile là-dedans. En 2014, Michel Albert écrit « Le joueur efficace peut faire plus avec moins » (oui, oui, j’ai fait de la grosse recherche). Je crois que c’est la source du phénomène « les gens au bureau me trouvent 5x plus drôle que mes amis improvisateurs » (la majorité de mes amis, en fait). L’impro nous apprend à tout absorber le plus rapidement possible afin de maximiser nos interventions. Alors pendant que Brenda conte son histoire à l’abreuvoir, j’observe son ton, l’expression des autres, leur ton s’ils répliquent, et en plus, j’ai l’avantage de connaître le sens de l’humour qui règne généralement entre nous (quelque chose que plusieurs joueurs utilisent à leur avantage s’ils connaissent bien le public de leur ligue/région). Cette efficacité – que j’ai développée suite à vouloir sortir d’une impro aussitôt que j’y suis entrée – me permet ici de me faire passer comme toute une humoriste, mais ce n’est qu’une façade. Si je devais préparer un numéro de stand-up, je me ferais définitivement heckler.

Je ne sais pas si je suis drôle ou si j’ai simplement réduit mon interprétation de ce qui est drôle en une sorte de formule (un gros non-non en improvisation, mais genre de correcte dans la vraie vie), mais je me fais bien rire moi-même… donc, au moins j’ai ça.

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