La nostalgie de Noël (ou réminiscence de l’impro d’antan)

Par Donald Audet

En ce décembre 2020, mon Acadie a revêtu son manteau blanc, comme pour nous protéger de cette pandémie qui semble nous menacer depuis toujours. Confiné, je me prépare à célébrer les fêtes de fin d’année en famille qui, cette année, seront plus intimes qu’elles ne l’ont jamais été. L’odeur du sapin plein de lumières et d’ornements se mêlant à celui des biscuits frais sortis du four, le mouvement régulier du batteur sur socle fouettant la génoise de la bûche, et les harmonies des Gars du Nord chantant la gloire de « Noël par che nous ». Il n’en faut pas plus pour que la magie du moment fasse son œuvre et me plonge dans mes souvenirs.

La nostalgie me transporte à la fin des années 70. J’ai 6 ans, je me prépare, pour la première fois à monter sur les planches. Pour la séance de Noël, les élèves de première année avaient préparé un numéro ou nous accompagnait avec des percussions un enregistrement de L’enfant au tambour. Ce soir-là, à Dundee, il neigeait. On m’avait dit que mon père ne pourrait pas être présent, les conditions routières retardant son retour de Fredericton. Au moment de commencer notre prestation, je devais signaler le départ et assurer le rythme. La musique part; la porte au fond de la salle s’ouvre; je signale le départ et l’aperçois, debout enneigé dans la porte, Papa. Le numéro continue « rapapapam rapapapam… », mon cœur d’enfant s’emballe « rapapapam rapapapam… », je dois communiquer avec ma mère… Rapapapa papa pape… on a perdu le rythme. Un an avant la création de la LNI, je suis coupable de décrochage.

…Maintenant, je me retrouve un dimanche soir des années 80, devant la télé… « Certain jour le bon créateur fit dire au peuple de la terre… » La nouvelle saison de la LNI est lancée. « …depuis ce jour, l’éérable croit au Caanadaaaa. » L’organiste est déchaîné. Inspirés de la soirée du hockey, les analystes mettent la table. Yvan Ponton fait frénétiquement tourner le barillet contenant les thèmes. Les deux équipes battent la cadence en frappant dans la bande ou en chantant. D’un geste, l’arbitre arrête le barillet, l’ouvre et y pige le 1er carton thème, se retourne et au son du sifflet, le silence se fait. Il avance au centre de l’arène, lit à haute voix, siffle et c’est parti pour trois périodes de 20 minutes, où s’enchaîneront les improvisations au gré du hasard du tirage. Pendant les caucus et les pauses, en famille, nous nous substituons aux analystes pour y aller de notre appréciation et analyse…

…Surgit de mes souvenirs, la création d’une ligue à l’école Aux Quatre Vents. En 1987, les équipes portent différents noms de vent, les Cyclone pour le hockey, les Chinooks et les Tornades au Volleyball, les Zéphyrs jouaient à la balle molle et nous en impro… nous gênerions les vents, nous étions les Ventilateurs. Un groupe de vieux amis se sont unis pour envahir l’auditorium et, inspirés par la LNI, nous nous sommes divisés en équipe, distribué les rôles d’officiels à ceux qui préféraient rester dans l’ombre… Au cours de ces deux ans, nous avons représenté notre école à l’émission Branchés-branchées à la télévision de Radio-Canada Atlantique, et avons accueilli à Dalhousie des équipes de différentes écoles de la province pour une fin de semaine de tournoi.

Arrivé à l’Université de Moncton, la LICUM monopolise mes mardi soirs… si les Verts ne jouent pas, je fais partie des officiels. Plusieurs des nouvelles recrues sont des joueurs avec lesquels j’ai partagé la scène au secondaire, au fil des matchs, des amitiés se sont soudées, et comme je le faisait avec ma famille devant la LNI, les post-matchs se passaient au resto-bar, où nous réécrivions le match.

Ma carrière d’impro au CÉGEP me laisse aussi de doux souvenirs. Ceux qui ressortent du lot sont sûrement les levée de fonds pour financer nos activités. Des soirées où nous présentions des contes et des numéros musicaux qui nous permettaient d’exploiter nos réflexes d’improvisateurs et de développer une complicité au sein de l’équipe…

Mon voyage nostalgique fait un bond dans le temps. Je reviens en Acadie, les nouvelles générations d’improvisateurs se sont succédées, la discipline s’est adaptée à la réalité d’un nouveau millénaire, mais la magie du spectacle et l’émerveillement qui s’opère lorsqu’on s’ouvre et on se laisse porter par l’improvisation, est toujours là . L’exaltation de la performance a fait place à la satisfaction de perpétuer la discipline, d’assurer à une nouvelle cohorte d’artistes de trouver leur place dans un groupe qui embrasse leurs différences. Je revis avec fierté la première saison de la Ligue d’Improvisation Restigouche où des jeunes et moins jeunes ont uni leur imagination pour le plus grand plaisir d’un public toujours grandissant.

En ce décembre 2020, mon Acadie a revêtu son manteau blanc, comme pour nous protéger de cette pandémie qui semble nous menacer depuis toujours. Confiné, je me prépare à célébrer les fêtes de fin d’année en famille qui cette année seront plus intimes qu’elles ne l’ont jamais été. L’odeur du sapin plein de lumières et d’ornements se mêlant à celui des biscuits frais sortis du four, le mouvement régulier du batteur sur socle fouettant la génoise de la bûche, et les harmonies des Gars du Nord chantant la gloire de « Noël par che nous ». Il faut le reconnaître, ce Noël-ci ne sera pas comme les autres. Mettons à profit nos talents d’improvisateurs, et lançons-nous sans retenue dans l’imprévu. Servons-nous de notre imagination pour créer la magie de Noël.

À vous tous de la famille d’Improvisation Nouveau-Brunswick, je vous souhaite des fêtes magiques pleines d’amour et d’espoir.

Vous voulez écrire un article? Communiquez avec nous à improvisationnb@gmail.com!

Laisser un commentaire