Questions et réponses… 1999!

Par Michel M. Albert

C’était à la fin des années ‘90s que, pour s’amuser, j’avais lancé l’appel aux improvisateurs et fans de l’époque de m’envoyer des questions difficiles (ou humoristiques) sur l’impro, afin d’alimenter notre liste d’envoi courriel et notre site web. Je viens de trouver l’exercice dans mes archives… ça pourrait intéresser.

Samuel Chiasson, Moncton : À quel point pouvons nous lier l’improvisation à la représentation du paradis et de l’enfer telle que décrite dans le poème épique « Paradise Lost » de John Milton?

Michel répond : Le thème le plus important de Paradise Lost est que l’on crée notre propre enfer et que l’esprit (le cerveau) peut faire un enfer du paradis, et un paradis de l’enfer. En impro, on crée des mondes constamment. Sont-ils des paradis ou des enfers? Les deux, j’imagine. La patinoire elle-même est son propre monde cependant. Pour moi, et plein d’autres, cet espace EST un paradis, un monde de liberté totale où nous pouvons être n’importe quoi et, en même temps, nous-mêmes. Pour d’autres, elle devient un enfer, surtout quand les terrifiantes catégories sont nommées. Retournons au premier concept cité: Nous créons notre propre enfer. Joueurs qui ont peur de certaines catégories/situations en impro parce que vous n’êtes « pas bons », « pas capables », etc., dîtes vous bien que c’est parce que VOUS vous limitez, pas parce que cette limite existe en vous. Milton est un des plus grands auteurs de la langue anglaise, et le gars était AVEUGLE. Il dictait tout de mémoire à ses deux filles. En impro, comme en littérature, comme aussi dans la cosmogonie imaginée par John Milton, il n’y a pas de limites.

Moose Lajoie, Montréal, Qc.: J’aimerais savoir quelles sont les fameuses épreuves et tortures que subissent les joueurs pendant le fameux camp d’entraînement de la Licum. Les effets secondaires en sont terrifiants…

Michel répond : C’est important d’avoir un physique comique en impro. Il y a du monde qu’on écartèle pour leur donner une démarche cocasse, d’autre qu’on étire sur le « rack » pour qu’ils soient trop grands (j’ai subi ce supplice), et d’autres encore qu’on a écourté au banc de scie. Beaucoup de rasage aussi. Chaque capitaine au camp d’entraînement, tel un artiste, sculpte une équipe à son goût.

Jonathan Thibodeau, Moncton : C’est quoi le record pour le nombre de matchs d’impro joués sans en gagner une %$/&*(« !?

Michel répond : You tell me. Où t’es rendu?

Jonathan T., Moncton : Quelles sont les critères de distribution des étoiles?

Michel répond : Ça change dépendant de qui les donne. Chaque personne choisie pour sélectionner les étoiles d’un match aura ses propres critères. On peut récompenser, entre autres, le bon jeu, le « guts », ou le joueur qui s’est véritablement dépassé par rapport à son jeu habituel.

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Jean-Sébastien Levesque, Moncton : Est-ce que les étoiles des matchs influencent de beaucoup l’apport des joueurs?

Michel répond : Pas du tout (je vous invite à relire l’explication très complète de l’apport sur la page de Statistiques). Les étoiles sont une marque de l’appréciation d’une seule personne par rapport à un match et ne sont pas reliées à l’utilité des joueurs ainsi honorés.

J.-S. Levesque, Moncton : L’apport est il, dans votre opinion un moyen juste de déterminer la valeur d’un joueur?

Michel répond : Nous avons essayé de rendre l’apport aussi juste qu’il l’était possible, mais une statistique ne raconte pas toute l’histoire. En effet, il est présentement impossible de faire l’apport correspondre à la véritable utilité d’un joueur. Considérez: le joueur qui entre comme figurant dans une impro dominée par son équipe, voit son apport monter même s’il n’a pas contribué directement à la victoire récoltée par le joueur-moteur. L’apport ne distingue donc pas entre celui qui a compté le but, son assistant, et le reste des joueurs sur la glace. D’ailleurs, une telle détermination serait trop subjective en improvisation pour être équitable. Les joueurs des équipes gagnantes sont donc généralement avantagés, alors que ceux des équipes avec une fiche perdante sont désavantagés. Le contraire de l’exemple donné est également vrai : Un joueur fort en caucus ne bénéficie pas d’une hausse d’apport quand un autre joueur remporte l’impro grâce à son idée. Le problème ne sera probablement jamais solutionné.

Yves Doucet, Hull, Qc : Si j’ai envie de prendre un coup, et de parler très fort avec ma gang de chums, est-ce que l’impro est l’endroit où je devrais me rendre le lundi soir?

Michel répond : Non. Alors là, pas du tout. Bien que nos juges de lignes aient besoin d’un peu d’exercice physique, jeter du monde dehors est un sport un peu trop dangereux (pour le spectateur).

Johnny T., Moncton : Dans la Licum, les matchs sont de 2 périodes de 25 minutes. Est-ce que c’est la même chose ailleurs? Dans la version originale de Robert Gravel, est-ce que c’était cette durée?

Michel répond : La LNI (Ligue Nationale d’Improvisation) utilise un format basé sur le hockey professionnel, donc 3 périodes de 20 minutes. On trouvera, ici et là, toutes sortes de variations, dont des périodes de 15 ou 20 minutes, ou de 35 ou 40. Et n’importe quoi entre 1 et 3 périodes de jeu. Habituellement, le temps est absolu, parfois, il est chronométré. Des fois, on fait même jouer 3 équipes en rotation dans 3 périodes. Le plus de périodes que j’ai vu : 100 (improvisathon de 50 heures). La Licum utilise le format que tu mentionnes pour avoir le temps de jouer deux matchs par soirée.

John Boucher, Vanderhoof, BC : Est-ce que faire de l’improvisation sous l’effet de drogue ou l’alcool améliore considérablement la performance du joueur. SVP, appuie tes propos avec quelques exemples.

Michel répond : Un NON haut et clair là-dessus, John. Des joueurs en état amoindri sont, ben… amoindris! On se souviendra toujours quand [JOUEUR] s’est présenté au « match de sa vie » avec un gros « bat » dans le corps. Il pensais que ça allait le dégêner assez pour qu’il joue bien. Résultat final : Il a perdu tout outil d’écoute et de concentration qui lui était disponible et c’est fait résolument torcher (et expulser!). Je me souviens aussi d’une équipe invitée à un Improvisathon en ‘93 qui avait imbibé un peu trop. C’est tout juste si une joueuse ne s’est pas balancée l’autre bord de la bande.

John B., Vanderhoof : En comparant l’improvisation telle qu’on la joue dans la Licum et l’improvisation telle que jouée sur la série « Who’s Line Is It Anyway? », quelle forme d’improvisation trouves-tu supérieure, tant du côté spectacle que du côté talent/habiletés?

Michel répond : Les deux sont intéressantes, mais je devrai dire la nôtre (faut bien se défendre face à l’envahisseur britanique et américain). Dans Who’s Line, les joueurs font face à des obstacles relevant des catégories absurdes que l’hôte les fait jouer. Dans l’impro-match, les joueurs font face à plus d’obstacles que ça. Les catégories sont moins variées (et il y a la libre), mais on recherche à créer une histoire d’autant plus. On défendra aussi le décrochage, le cabotinage et la confusion, pour que l’impro soit encore plus intègre. Avec Who’s Line, on parle de lâcher son fou. Dans l’impro LNIque, on peut parler parfois de création artistique. Il est certain que les improvisateurs dans Who’s Line nous semblent excellents, mais on a choisi les 4 meilleurs comédiens disponibles dans chaque cas. Ils ont aussi un certain temps de préparation, et les catégories sont parfois drôles par elles-mêmes. Les caucus sont plus ou moins donnés par l’hôte. Il manque le côté esprit d’équipe que nous avons aussi, et en même temps, ce que le public interprète comme de la rivalité (autant entre les joueurs qu’avec les arbitres). Pas convaincu? Ok : Nous autres, on a pas besoin de jouer une impro platte avec Drew Carey à la fin du match si on gagne. DING DING DING!

Et enfin la question qui place l’exercice dans le temps plus précisément…

M. Lajoie, Montréal : Je voudrais savoir si les joueurs, arbitres, gazous, rondelles, statisticiens, bandes et autres accessoires sont prêts pour affronter le bug de l’an 2000 dont on n’arrête pas de parler. La Licum a-t-elle un plan d’urgence?

Michel répond : Premièrement, en français, on écrit « bogue », pis n’importe quoi qui s’appelle un « bogue » ne mérite pas d’être pris au sérieux. Ceci dit, tout est Y2K-friendly, sauf le tableau de pointage, mais j’y fais rien au cas où ça gagnerait des matchs à mon équipe.

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