La zone de confort 1 : Quelle sorte de joueur sommes-nous?

Par Bernard Fournier

En improvisation, la zone de confort est ce qu’un improvisateur se sent confortable et habile de faire dans l’arène, c’est-à-dire l’ensemble des situations dans lesquelles il se sent capable d’intervenir et d’y adapter sa personnalité et son style. Une fois cette zone de confort spécifique trouvée, il pourrait être possible de croire que le travail du joueur s’arrête là, mais ce n’est pas le cas. En improvisation (comme dans la plupart des choses dans la vie), ce n’est pas une mauvaise idée, voire même fortement recommandé, d’envisager de sortir de cette zone de confort, afin de maintenir son intérêt envers la discipline et augmenter la versatilité des joueurs.

Pour assurer le perfectionnement de soi, des autres membres de son équipe, et/ou d’une équipe dont on est l’entraîneur, il faut d’abord comprendre ce qu’est notre style comme joueur.

Lorsque l’on pense aux styles de jeu, deux de ceux-ci reviennent régulièrement dans les discussions : le jeu physique et le jeu verbomoteur. Le jeu physique consiste à faire usage de son corps afin de représenter les éléments de l’histoire dans l’arène, alors que le verbomoteur fait usage de la parole pour arriver aux mêmes fins. Deux autres styles de jeu peuvent être identifiés, bien qu’ils sont très peu présent dans les discussions – le jeu conceptuel et le jeu empathique. Le jeu conceptuel consiste à utiliser des éléments spécifiques de l’espace et du récit pour appuyer les impros. Le jeu empathique est plutôt une approche au jeu axée sur la transmission et la manipulation des émotions et de l’ambiance. Ne vous inquiétez pas, plus de détails sont à venir.

L’approche au perfectionnement qui sera proposé à travers cet article et le prochain offre deux chemins possibles. Dans le premier, le perfectionnement est basé sur une exploration de nouveaux styles de jeux en tentant d’en maîtriser la base de chacun – on fait ce que l’on a pas l’habitude de faire normalement. Dans le second, le perfectionnement est basé sur une exploration plus en profondeur de son propre style – on se fait spécialiste. En gros, c’est de voir si l’on cherche à devenir un couteau-suisse très polyvalent (chemin 1) ou un couteau très affûté (chemin 2).

Les styles de jeu à « domestiquer » ou « apprivoiser »

Le jeu physique

Ce style de jeu est basé sur une utilisation de son corps pour guider l’impro. Il est possible d’explorer les bases du jeu physique par l’entremise des éléments suivants :

Les mouvements précis désignent tout ce qui touche au mime d’actions ou d’objets. Il est important d’observer comment on effectue des actions ou comment on manipule des objets dans le quotidien, pour ensuite transposer tout ça dans une impro pour que ce soit clair pour le public. Les improvisateurs devraient avoir en tête une manière de représenter la plupart de leurs actions du quotidien dans l’arène, et pour cela, il faut y avoir pensé un peu avant.

La visualisation de l’espace, elle, s’applique aux lieux et aux décors. Le but est de faire usage de la scène pour représenter l’espace qui entoure les personnages. Pour ce faire, il peut être bon d’observer attentivement comment sont aménagés les différents emplacements dans lesquels on se trouve dans la vie de tous les jours et de réfléchir à comment ce serait applicable dans l’arène.

Les acrobaties servent à désigner tout ce qui touche au jeu physique dynamique. C’est de tenter de prendre de la place dans l’arène et de bouger de façon à capter l’attention du public, souvent très efficace pour injecter de l’énergie dans une impro ou un match.

Le jeu verbomoteur

Ce jeu est basé sur une utilisation de la parole pour guider l’impro. Il est possible d’explorer les bases du jeu verbomoteur par l’entremise des éléments suivants :

L’intonation de la voix désigne la capacité utiliser des variations dans le débit et le registre de sa voix pour accentuer la livraison du dialogue dans l’improvisation.

Les punchs touche à la capacité à déclencher le rire à l’aide de remarques, jeux de mots et autres moyens paroliers durant l’improvisation.

Le vocabulaire précis désigne la capacité à connaître un grand registre de mots et d’expressions pour les utiliser dans les improvisations, ce qui ajoute une profondeur à ce qui est dit.

Le jeu conceptuel 

Ce style de jeu consiste à explorer les modes de livraisons des improvisations dans le but de créer différents effets inusités. Ça peut être de jouer avec la progression du récit en tant que tel, ou bien en créant des effets visuels relevant plutôt de styles littéraires ou de mises en scène. Quelqu’un ayant une bonne connaissance des règlements pourrait également faire usage de ce style en tentant d’explorer les limites de ce qui est permis. À noter que le style de jeu conceptuel est plus facile à expérimenter en équipe et plus facilement applicable dans le contexte d’improvisations comparées. Il peut demander une grande cohésion et confiance entre les participants. Il est possible d’explorer les bases du jeu conceptuel par l’entremise des éléments suivants :

La trame narrative désigne tout ce qui touche à la façon de présenter le récit. Ça peut être de manipuler les différents éléments de la progression normale d’une improvisation. Le focus peut être sur débuter l’impro d’une manière originale ou de la terminer de façon punchée. Ça peut également être de jouer avec des transitions entre différents moments de l’improvisation, en créant par exemple des ellipses dans le temps. Le but est de tenter de réinventer la façon de présenter les histoires.

La mise en scène touche à tout ce qui a trait à l’aspect visuel des improvisations, que ce soit par exemple le positionnement et les déplacements des joueurs dans l’arène, et à travers ceux-ci, créer des effets visuels qui captent l’attention ou enrichissent l’improvisation.

La culture méta désigne le fait de jouer dans les zones grises des règlements pour pousser leurs limites. C’est également d’ajouter des défis à ses improvisations, au-delà de l’histoire telle quelle, pour impressionner le public avec son audace et peut-être faire pencher le vote en sa faveur.

Le jeu empathique

Ce style de jeu consiste en à la transmission d’une gamme d’émotions et l’exploration de l’ambiance afin de créer un effet. Les improvisateurs faisant usage de ce style peuvent presque réellement vivre les situations dans lesquelles ils sont placés parce qu’ils habitent complètement un personnage. Il est possible d’explorer le jeu empathique par l’entremise des éléments suivants :

Vivre l’émotion, c’est pouvoir définir les diverses émotions possibles et ce qui fait leurs nuances et subtilités. C’est d’ensuite pouvoir se mettre dans l’état de l’émotion appropriée à la situation que l’on cherche à présenter. Le but est de pouvoir présenter des émotions diversifiées qui ressemblent à la grande gamme d’émotions qui peuvent être observées au quotidien, afin de créer un lien avec les gens qui regardent le match. Cet aspect peut être exploré en pratique en expérimentant avec une diversité d’émotions pouvant être ressenties par une personne et comment celles-ci peuvent prendre différentes formes selon le contexte dans lequel elles apparaissent.

La construction du personnage désigne la capacité d’incarner complètement un personnage et de vivre les situations qui lui sont présentées comme si ce personnage les vivait réellement. Le but est de créer un réalisme dans les réactions qui sont présentées sur scène. Les improvisateurs qui cherchent à explorer cet élément peuvent le faire en effectuant des exercices de création de personnages ayant de plus en plus de profondeur et de véracité. Il faut changer son focus pour tenter de non seulement présenter un personnage au public, mais de réellement se mettre dans sa peau le temps de l’impro.

L’utilisation du silence désigne la capacité de placer des moments de silence dans le but de créer de la tension dans les improvisations.

Maintenant que vous connaissez les éléments de base qui forment ces quatre façons de jouer. Il ne reste plus qu’à faire une réflexion sur les éléments que vous avez tendance à privilégier et que vous trouvez confortables, puis de décider lesquels vous souhaitez intégrer à votre jeu. Essayez un peu de tout, ou faites des choix chirurgicaux basés sur ce qui manque à l’équipe, ou selon les objectifs que vous vous aurez donnés. Et soyez patients. Par manque de pratique, vous n’aurez pas toujours immédiatement du succès (c’est ce qui rend la situation inconfortable). Mais petit à petit, vous vous rendrez à une certaine polyvalence. Suffit d’exercer TOUS les muscles d’impros pour qu’il n’y ait pas de véritable « zone d’inconfort ».

Dans le prochain article, il sera question de la deuxième option offerte, soit augmenter l’étendue de sa zone de confort tout en restant dans son style de prédilection.

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