Construire un monde auditif

Par Isabel Goguen

Lorsqu’une catégorie enlève un élément du jeu, c’est pour en faire briller une autre. La catégorie sans image propre au jeu en ligne, et son cousin du match en personne la radiophonique, forcent les joueurs à laisser de côté l’aspect visuel de l’impro et construire un monde auditif.

Lorsqu’une équipe présente une impro ayant une structure semblable à la libre typique, éliminant simplement le visuel, elle doit puiser dans les leçons apprises de la sans paroles et de la fixe afin de choisir une prémisse qui met en valeur les voix et les bruits. Les joueurs doivent reconnaître les opportunités sonores dans le lieu et la situation pour fournir au public les informations nécessaires pour comprendre ce qui se déroule, et ce, sans sur-expliquer. Vu que le public est entièrement dépendant des paroles et des sons pour capter l’histoire, les joueurs sont en quelque sorte en contrôle de ce qui est révélé et de ce qui demeure caché. Ils peuvent donner des détails, petit à petit, laissant les spectateurs mettre les morceaux ensemble progressivement, les gardant investis dans l’histoire et ses personnages. Le public vit un énorme plaisir lorsqu’il réalise soudainement, par lui-même, où l’impro se dirige. Une idée tentante est de livrer une impro où les personnages, comme le public, ne voient pas ce se passe, comme lors d’une panne d’électricité. Quoique cette idée peut être amusante, elle peut également être un piège qui nous guide vers la confusion, le cliché et la répétition. Quand on enlève l’image, on peut se lancer dans n’importe quel scénario sans les contraintes physiques et technologiques habituelles. Il ne ne faut donc pas avoir peur de s’aventurer vers de lieux et situations mouvementées pleines d’actions. Le contraste entre le visuel manquant et les sons d’une scène d’action peut créer un effet humoristique ou un suspense additionnel.

On peut également prendre notre inspiration d’un médium déjà centré sur la voix, par exemple une émission de radio ou un podcast. Ces formats sont une façon efficace de structurer une impro axée sur une conversation. Choisir le sujet ou le concept de l’émission lors du caucus est essentiel pour ajouter un focus et une direction à ces impros, ainsi que permettre d’établir un ton dès le début. L’approche des animateurs sera différente dans un podcast qui parle d’extra-terrestres, dans une entrevue radio qui discute avec un politicien, ou encore si c’est un pirate qui vole une fréquence radio pour diffuser son émission. En faisant des choix dès le début, le reste se construit à partir de cette base solide. Ce type de médium ne se limite pas aux entrevues et aux podcasts. Une équipe pourrait plonger dans une pièce de théâtre radio qui met en scène des comédiens offrant leurs voix aux personnages, une personne qui crée des effets sonores, et un lecteur de didascalies. Une équipe pourrait même explorer le concept d’un livre en format audio.

Il y a des options qui ont un pied dans chaque approche, par exemple une conversation téléphonique ou par émetteur de radio (C.B.), un grand-père qui lit un livre à ses petits-enfants qui interviennent ici et là, ou un monologue des pensées d’un personnage qui nous informent doucement de la situation qui évolue autour de lui. Ce sont des impros qui empruntent aux structures des médiums plus formels, tout en intégrant des personnages dans leur vie privée qui s’exprime naturellement.

La sans image est une catégorie qui invite les joueurs à réfléchir à l’impro en utilisant l’aspect sonore comme point de départ. Le son, dans toutes ses formes, devient le moteur de l’histoire, ce qui oriente les actions et les personnages, et permet au public de vivre une impro différemment.

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