Multi-genre

Par Michel M. Albert

En impro, on utilise la notion de « genre » (c’est-à-dire littéraire, cinématographique, etc.) comme « à la manière de » de base. Un genre implique donc une panoplie d’éléments qui font comprendre au public rapidement et efficacement où on est (et parfois QUAND on est) et qu’est-ce qui est attendu (pour confondre les attentes ou les remplir). Par exemple, dans un western, on s’attend à des cowboys, des hors-la-loi, des villes dans le désert, etc. Aussitôt que le joueur débarque de son cheval et entre dans un saloon par des portes battantes, le public sait exactement de quoi il s’agit. Le genre est, en quelque sorte, un raccourci.

Mais il apporte aussi avec lui le risque de clichés. Le joueur devra utiliser toute son habileté pour renverser les attentes à des moments cruciaux s’il veut créer quelque chose de surprenant. Mais il peut aussi brouiller les cartes du début en mêlant des genres ensemble. Le public qui s’attend à un western ne voit pas venir le monstre issu du film d’horreur. Le héro fantastique embarque sur un bateau magique et voyage les étoiles. Ce sont des hommes des cavernes, mais aussi des super-héros avec des capes de poil. Armés du double des conventions de genre, les joueurs peuvent s’amuser dans un monde qu’on reconnaît, mais qui a un twist novateur rempli de surprises, et ce du début.

Pour accomplir la tâche, il faut tout d’abord savoir quels éléments font partie de quels genres, et ainsi mieux faire un tri et trouver une combinaison gagnante. Dans la plupart des cas, un genre agira comme environnement (le Moyen Age, l’espace, le Far Ouest), et on importera des éléments d’un autre genre. Par exemple :

-Fantastique : Magie, elfes, épées, donjons, dragons

-Science-fiction : Voyages interstellaires, fusils lasers, technologie, extra-terrestres, pouvoirs mentaux

-Horreur : Monstres, sang, meurtriers, mauvais sorts

-Cyberpunk : Membres cybernétiques, corporations, réalité virtuelle, attitude punk

-Super-héros : Pouvoirs, costumes, héroïsme

-Espionnage : Organisations terroristes secrètes, casinos, cascades, mots de passe

-Western : Duels, fusils, chevaux, saloons, shériffs et députés

-Polices et bandits : Travail de détective, vols de banque, le partenaire sur le bord de la retraite qui se fait tuer, poursuites automobiles

…et ainsi de suite. Je vous laisse le travail de distiller tout genre qui vous intéresse, que ce soit les 1001 Nuits ou les aventures d’Indiana Jones. Certains éléments ne sont pas nécessairement propres à un genre spécifique, mais on peut les utiliser quand même pour créer notre saveur : Des animaux anthropomorphiques, des robots géants, des pirates, du kung fu, une mythologie particulière (Viking, gréco-romaine, etc.), etc. Comment on pense que les Tortues mutantes ont été créées?

Évidemment, il faut porte une attention particulière au ton d’une telle improvisation. La plupart des genres sont assez neutres en termes de ton, alors que certains ont un ton dominant. L’horreur, par exemple, suggère le malaise et la peur, alors qu’un film de science-fiction pourrait se concentrer sur la comédie, l’action, l’horreur, l’intellectuel, etc. Mais en impro, on va souvent pencher vers l’humour et rien ne nous empêche donc de jouer des vampires et des loups-garous sans pourtant utiliser l’atmosphère gothique qui leur est habituellement associée. Généralement, le ton adopté sera « comique » et agira comme filtre supplémentaire au monde « multi-genre » que l’on crée.

Dans ce genre d’impro, on est constamment en train de marcher la corde raide entre ce qui est surprenant et ce qui est familier. Il faut donc faire bien attention à nos ingrédients. Si les éléments choisis sont obscures ou pas assez évidents, le public ne reconnaîtra pas la marque du genre ajouté. Le but d’une telle improvisation est que le public, mais aussi les autres joueurs reconnaissent l’intersection des genres. Si les gens ne sont pas familiers avec le genre principal qui semble être présenté, ils ne peuvent pas apprécier les surprises (ou apporter leurs propres surprises, si on parle de joueurs de l’autre équipe). C’est surtout le cas si on laisse croire pour la première minute que l’on joue dans un tel genre avant d’introduire des éléments d’un autre. Laissez le public croire que c’est l’histoire de légionnaires romains avant que les extra-terrestres n’attaquent pour faire tomber Rome.

Donc choisir QUAND déployer la surprise est tout aussi important que le choix de QUELLE surprise déployer. Des choses avec lesquelles composer quand on utilise une approche multi-genre.

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