La préparation mentale du personnage

Par Josée Bazinet

Comme improvisatrice, je me pose plusieurs questions avant de mettre le bout de mon espadrille sur la glace. Où se déroule l’histoire? Combien de temps est-ce que j’ai pour la raconter? Comment va-t-elle se terminer? Toutefois, la plus importante pour moi demeure celle-ci : qui suis-je? Savoir qui nous sommes, quel personnage nous incarnons, est possiblement le plus utile des éléments dramatiques en improvisation.

Pour pouvoir répondre à cette question durant le match, je dois faire un travail de recherche au préalable. Dans ma mémoire, je collectionne des morceaux d’impro que je conserve précieusement dans ma boîte à improviser. Ces morceaux me sont offerts au quotidien par les gens de mon entourage, ma famille, les clients à l’épicerie, à la banque, etc. Je mets dans ma boîte un sourire mesquin, une réponse directe, un accent, des yeux tristement sincères, etc. Chacun de ces morceaux représente un élément possible du personnage. Un timbre de voix, une qualité, un défaut, une motivation, etc. Ils peuvent être assemblés à d’autres morceaux pour former plusieurs images de personnages. Comme quoi même le plus verbomoteur des improvisateurs doit être avant tout un fin observateur.

La culture que je consomme – théâtre, lectures, musique, télévision et films – génèrent beaucoup de morceaux aussi. Le courage d’un héros, le sentiment d’impuissance d’une mère, le génie d’un scientifique, le parrain à la tête d’une organisation criminelle, etc. Je note mentalement leurs réactions, leurs expressions faciales et leurs gestes. Je sais que tout ceci me servira plus tard, lors du match. Ces morceaux sont une source d’inspiration inépuisable.

Lorsque l’arbitre lit le thème, je pense évidemment à une situation, mais plus souvent je songe d’abords à des personnages. Je sélectionne rapidement plusieurs morceaux dans ma tête. J’assemble les morceaux tout en participant au caucus. Les idées de mes collègues m’aident à mieux voir l’image dans ma tête. Par exemple, si le thème est « Silence sur la rivière Castor », je pense à un personnage en canot. Premier morceau. Elle aime la nature et s’y connaît. Deuxième morceau. Elle me fait penser un peu à une guide touristique trop enthousiaste, troisième morceau. Je vois son chapeau dans ma tête, son gilet de sauvetage, sa pagaie, la couleur de son canot, etc. Dans le caucus, un collègue suggère un autre personnage dans le canot et l’image commence de plus en plus à prendre forme. Sont-ils amis? L’autre personnage est-il aussi à l’aise en canot? Se cachent-ils quelque chose? C’est important pour moi d’imaginer tous ces petits détails, car je dois voir le personnage clairement dans ma tête pour ensuite l’incarner. 

Une fois la recherche et le travail collaboratif en équipe terminés, au son du sifflet, je suis prête. Comme une comédienne en coulisses avant de monter sur scène pour jouer la pièce, je sais qui je suis et ça fait toute la différence.

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