Sang-Titre : Avec ou sans peur?

Par Michel M. Albert

Le mardi 13 septembre dernier se déroulait une pièce improvisée dans le style « slasher » mettant en vedette Amélie Montour, Jonathan « Bob » Savoie, Isabel Goguen, Mathieu Lewis, Valérie Mallard et Martin Léger, sous la direction artistique de Michel Albert, et avec l’assistance technique de Clo Allard. Le projet est issu d’un remue-méninges conduit lors d’une formation sur la création de spectacles alternatifs au match d’impro, et posait la question : « Est-ce que l’impro peut générer l’émotion de la peur? »

La prémisse : Six personnages se retrouvent dans une cabane dans les bois. L’un d’entre eux est un tueur et élimine les autres. Le public décide par scrutin secret LEQUEL sera le tueur, mais aussi lequel sera ce que le genre appelle la « final girl », c’est-à-dire le dernier survivant. Nous pouvons maintenant révéler que tout le monde a eu plusieurs votes pour les deux rôles, et que dans chaque cas, ce fut très, très proche.

Ce qui avait été préparé : Ce n’est pas un « slasher » si on ne voit pas les meurtres (ce serait plutôt un meurtre et mystère), nous devions avoir une stratégie pour les montrer de façon sécuritaire, mais aussi de façon à ce qu’ils aient un impact sur le public. Premièrement, le directeur artistique allait jouer le rôle du tueur costumé, même si son identité était celle d’un autre personnage. D’une part, cela gardait le mystère (Amélie et Mathieu ayant, par exemple, des physiques très différents qui auraient vendu la mèche). D’une autre, cela évitait des changements de costume à chaque fois qu’un meurtre devait avoir lieu. Les meurtres allaient être accompagnés de trois choses : Du sang en tissu rouge (un « gore package ») déployé à la mort de quelqu’un; un son pour créer la tension et le crescendo du moment crucial; et un éclairage tout rouge. Le premier pour simuler le genre, le second pour choquer le public (nous avons aussi fait un « jump scare » en promenant le tueur parmi le public), et le dernier pour cacher le fait que c’est du faux. Le but était de créer un moment surprenant où le public n’a pas le temps d’enregistrer ce qui se passe vraiment.

Une autre raison d’utiliser une combinaison de son et de musique stridente était de pouvoir chorégraphier les meurtres. Personne ne voulait finir la soirée avec un œil au beurre noir parce que quelqu’un aurait fait un faux mouvement. Il y a des choses qu’on n’improvise pas. Il était important aussi de se familiariser avec les « gore packages » pour bien les utiliser et satisfaire l’illusion. Qui allait mourir, et quand, restait un mystère avant que le public ait voté, bien sûr (et on a manqué un « kill » assez divertissant – celui du dernier survivant).

Et bien sûr, restait aux joueurs de créer leurs personnages, leurs relations, et leurs conflits avant et pendant le massacre. Nos comédiens ont choisi d’être un groupe d’amis du secondaire qui se revoyaient après 10 ans, la cabane louée, en réalité, un abattoir pour l’un d’entre eux. On avait le couple en chicane (Amélie et Valérie), le loser (Martin), le « bad boy » (Mathieu), la nounoune (Isabel) et le policier qui se vante de sa compétence et meurt tôt (Bob). Cette fois – car Sang-Titre peut se refaire avec différents personnages, lieux, temps et solutions – le public avait choisi Valérie (l’organisatrice du groupe qui était là sur son invitation) comme tueuse (assez logique) et Martin (le loser, donc suivant la tradition des films d’horreur, le vierge, pas que c’est nécessairement « loser », vivez votre vie comme vous le voulez, pas de mauvaises réponses sur ce compte) comme « final girl », qui avait donc à se défendre contre Valérie et la tuer. Deux fois, parce qu’il y a toujours un « final scare ».

Alors, revenons à la question : « Est-ce que l’impro peut générer l’émotion de la peur? » Après un sondage auprès des membres du public, oui et non. Le choc, oui. La tension, oui. Le malaise, oui. La peur? Non, pas vraiment. Il semblerait que bien que certaines morts se soient fait plus sentir, la majorité des personnages se voulaient trop humoristiques pour que la situation soit réellement crédible. Normal, les improvisateurs ont des réflexes de comédie, et nous nous étions dit, c’est de l’impro, si les choses vont dans un sens plus comique, si le public semble être là pour rire, suivons le courant.

Ce qui me dit que la peur EST possible en improvisation. Les membres du public à qui nous avons parlé ont senti que l’émotion était juste au-delà de l’horizon et que si on s’était pris plus au sérieux et réagit plus vraisemblablement aux décès sanglants de vieux amis, peut-être qu’on aurait franchi la frontière entre suspense et horreur.

On leur a donné un bon moment, mais peut-être que la prochaine fois, on leur donnera un moment… HORRIBLE?!

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