Par Michel M. Albert
On fait pas toujours exprès, mais des fois, une joke va trop loin et devient un problème. Par exemple, au début des années 2000 (ou à la fin des années 90, difficile d’être certain), une impro était tellement mauvaise à la Ligue d’improvisation du Campus universitaire de Moncton (la Licum) que l’arbitre (ok, c’était moi) s’est levé de son coin et, ne sachant pas quoi donner exactement, a juste fait de grands gestes fous qui avaient autant de sens que l’impro qui se terminait.
Le maître de cérémonie a appelé cette punition « Goddamment Awful » et on a bien ri. Et puis, il y a eu d’autres occasions où un arbitre ou l’autre cette année-là et les quelques-unes qui suivent sentaient le besoin de donner cette « punition » à une impro. Peut-être était-elle donnée à une impro aussi mauvaise (et on parle d’une combinaison de rudesses, confusions, statismes et mauvais goût), mais elle n’avait pas besoin d’atteindre ce standard non plus.
« Goddamment Awful » est entré dans le vocabulaire de la ligue, et un maître de cérémonie ou un arbitre pouvait, sans donner la punition, appeler cette impro-ci ou celle-là, au micro ou dans les explications de punitions, lancer ce terme à la figure des joueurs. Et puis un moment donné, quand on trouvait que le public commençait à se dissiper de semaine en semaine, on s’est parlé, et on est venu à plusieurs conclusions.
Une de celles-ci était de renoncer à l’utilisation de la punition et du terme, et pour bonne cause : Quand on dit que notre jeu est mauvais, le public, qui souvent n’a pas les standards élevés des improvisateurs eux-mêmes, commence à la croire. « Ah, c’était peut-être pas aussi bon que je le croyais. » Et peu à peu, il arrête de voir notre spectacle comme un must. Un tel phénomène mine aussi la confiance – et donc le jeu – des joueurs aussi. (Je me souviens soudainement d’un ancien entraîneur qui avait tendance à trouver toutes les impros « cul-cul », si bien que ses joueurs se décourageaient facilement et trouvaient leurs propres impros « cul-cul » sans qu’il soit présent. Même chose.)
Je vous raconte cette page d’histoire à titre de conseil. Bien que ça puisse sembler drôle d’être hyper-négatif (à ne pas confondre avec constructif) dans notre présentation d’un match, créer une sorte de rivalité entre les joueurs et les officiels, il est facile de manquer la marque et de faire comprendre à tous les gens présents que le spectacle n’en vaut pas la peine. Il faut se rendre vendeur dans un univers où chaque match est en fait une publicité pour le prochain. On ne peut pas publiquement dire que les joueurs sont mauvais ET AUSSI garder un public fidèle.
En fin de compte, c’est aux spectateurs de décider de la qualité du show. On peut éduquer le public sur ce qui est bon et moins bon, mais une déclaration répétée que le jeu est pourri, c’est dangereux pour les « cotes d’écoute ». L’arbitre doit surveiller son ton attentivement. Le maître de cérémonie doit adopter une plus grande neutralité. Et puis, quand c’est particulièrement bon, on ne se gêne pas. Mais pour l’amour du jeu, ne commencez pas sur un mauvais pied et disant aux gens que votre spectacle suce!
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