Par Pierre Duguay-Boudreau et Alex Marcoux
Le caucus comme brouillon
Une impro, à la base, c’est une histoire. Dès un jeune âge, on nous apprend qu’une bonne histoire est construite avec un début, un milieu et une fin. La même règle s’applique au monde de l’improvisation. Une bonne impro est constituée d’un début, d’un milieu et d’une fin, n’est-ce pas? Jusqu’à maintenant, c’est logique.
À l’école, on nous apprend que, pour construire une histoire cohérente, nous devons préparer un brouillon; c’est-à-dire un squelette complet de l’histoire qui sera écrite. Ce squelette inclut la description des personnages, les endroits explorés, l’élément déclencheur et le dénouement de l’histoire.
On vous a peut-être enseigné que le caucus parfait devait suivre ce modèle.
Mais est-ce la bonne approche? Nous croyons que chaque improvisateur aguerri connaît la réponse, mais explorons tout de même le sujet avec une mise en situation :
L’arbitre siffle. Tu te tournes vers iel. Iel regarde son carton et s’y lance :
« Ce sera une improvisation mixte ayant comme thème Ma grand-mère n’aime plus mon grand-père; nombre de joueurs: illimité; catégorie : libre; pour une durée de trois minutes. Caucus! »
Ah, le caucus! Le temps de préparer le brouillon d’une improvisation gagnante.
- OK, je la prends, dis-tu avec excitation. Je serai la grand-mère!
- Tu peux commencer l’impro en te berçant, renchérit ta coéquipière. Utilise ton chandail pour faire une couvarte.
- Le coach intervient : Pourquoi tu n’aimes plus ton mari?
- Peut-être qu’il l’a trompé?
- Non, trop cliché…
- Elle ne l’aime plus parce qu’elle fait de l’Alzheimer… elle ne se souvient plus de lui!
- Pis ça finit comment?
- Je peux rentrer faire l’infirmier et la grand-mère se souvient très bien de moi.
- Oh, c’est bon ça, oui! On la gagne celle-là.
L’arbitre siffle. Tu entres dans l’arène, immergé dans ton rôle et dans l’histoire qui vient d’être planifiée. Tu lèves les yeux et le joueur devant toi crie : « Ave César, les barbares sont arrivés aux portes de la ville! »
Saperlipopette!
Tout à coup, comme à la suite d’un accident malheureux dans un cours de sciences naturelles, le squelette s’écroule. Tous les éléments lancés dans le caucus sont maintenant utilisables, certes, mais superflus. Alors que faire?
C’est là où les avis diffèrent. Certains diront qu’il faut profiter de cette opportunité pour mélanger les deux caucus et créer une histoire originale. C’est quand même vrai qu’une impro où une grand-mère mal aimée dirige une légion romaine, ce serait incroyable. Toutefois, pour certains joueurs, il existe encore une pression d’intégrer les éléments du caucus. Ce qui forcera certains (dont l’un d’entre nous, allô! ici Pierre, je suis coupable!) à être rudes, ou à perdre le focus sur la partie improvisation de la chose.
Pourrions-nous avoir une vision différente du caucus? Une vision qui s’éloigne de la proposition d’un squelette, tout en permettant à l’improvisateur d’être confiant dans l’arène?
Certains joueurs, comme Alex (coucou!), ne souhaitent pas recevoir de lignes directrices dans un caucus parce que l’idée directrice ferme des portes. Avoir une idée directrice n’ouvre qu’une seule porte. Quand j’ai une idée dans la tête en entrant dans une impro, elle est constamment dans ma tête et je ne peux pas m’en débarrasser. Ce qui fait que dans une mixte, si l’impro ne va pas dans la direction espérée, cette idée morte vient me hanter.
Dans cette optique, il est beaucoup plus efficace d’entrer dans une impro avec une tête vide. Mais bien sûr, ce n’est pas la même chose pour tout le monde.
Alors, comment accommoder tous les types de joueurs au sein d’un caucus?
Le caucus comme une boîte à outils
Un plombier ne débarque pas dans une maison sans ses outils. Un improvisateur ne débarque pas dans l’arène sans les siens. Le caucus est un peu la shop où l’on choisit quels outils on amène avec nous. Il est là pour te donner le temps d’assembler les meilleurs outils possibles.
Toutefois, les outils du charpentier ne seront pas les mêmes que ceux du soudeur. Ainsi, chaque improvisateur passe à la shop pour quelque chose de différent.
Bon, assez avec les métaphores de construction. En impro, un outil peu être :
- Un mot-clé
- Un concept
- Un lieu
- Une époque
- Un personnage
- Une situation
- Une destination
- Un quirk (un trait excentrique)
Le caucus parfait (sans prétention)
Pour nous, le meilleur caucus commence par la question classique : Qui la veut ?
Ainsi, il est plus facile pour l’équipe de donner à l’improvisateur ce qu’il désire au sein du caucus.
Pierre, lui, préfère se faire lancer des idées de personnage ou une époque dans laquelle l’impro se déroule. Alex, par contre, préfère recevoir des mots-clés ou des quirks de personnage. Il est beaucoup plus facile pour nous d’adapter ces idées à l’histoire dans laquelle nous serons embarqués. D’autres préféreront une destination, c’est-à-dire un endroit général où l’impro pourrait se diriger – peut-être pour faire l’intégration d’un troisième personnage.
En sachant dès le début du caucus qui doit être préparé, l’équipe peut donner exactement au joueur ce dont il a besoin pour entrer dans l’improvisation en confiance.
Ensuite, dépendant du déroulement de l’improvisation, le joueur doit quand même pouvoir mouler ses outils à la situation, soit en faisant le deuil de ses idées, ou en adaptant ses idées à la situation.
En d’autres mots, même si tu rentres dans l’impro avec une drill dans ton coffre à outils, tu devrais quand même être capable de cogner un clou.
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