Le « joueur » et l’option non-genrée

Par Michel M. Albert

Les participant.e.s au dernier Tournoi de qualification provincial auront sans doute remarqué une variation dans la lecture de la carte chez certains arbitres lors de l’événement, en particulier à la rubrique « nombre de joueurs ». Il s’agissait d’un workshop vivant pour tenter de trouver une alternative non genrée aux mots « joueurs » et « joueuses » qui se retrouvent partout dans les règles et le vocabulaire général de l’impro-match. Et par respect aux personnes qui jouent de l’improvisation et sont non-binaires, trouver le mot ou la formule justes nous semblait nécessaire.

La tendance se manifeste déjà dans nos réseaux : Dans les deux dernières années, la Ligue d’Improvisation du Campus universitaire de Moncton (la Licum) a commencé à utilisé le mot « interprète » pour joueur, calqué de la formule utilisée par la LicUQAM à Montréal. Mais ce n’est pas le mot juste, parce que nous n’interprétons pas, nous CRÉONS. L’interprète est la personne qui interprète le texte d’une autre. Pour un temps, nous pensions à « artiste », un autre mot qui, comme le mot « arbitre », reste pareil, tous genres confondus. Celui-ci est à la fois trop général et quelque peu prétentieux, donc ne faisait pas l’unanimité.

Suite à une conversation entre officiel.le.s à la Qualif 2024, nous avons réalisé qu’on se cassait peut-être la tête et qu’il serait plus naturel d’utiliser un terme qu’on avait déjà, soit « membre d’une équipe ». Si naturel, en fait, que la plupart n’auront pas remarqué que les maîtres de cérémonie (et dans leurs explications de punitions, les arbitres) ont utilisé ce terme dans la plupart des cas. « Et maintenant, la présentation des membres de l’équipe de… » « Un membre de votre équipe est entré trop tôt et… » Ou alors, fait référence au « Numéro 6 de l’équipe de… », ici aussi évitant le genre.

L’obstacle principal restait le fameux « Nombre de joueurs » sur le carton de thème, quelque chose qu’on devait dire 8 fois par match, au minimum. Pour continuer à utiliser le mot « membre », nous avons tenté « Membres en jeu ». Donc, «Membres en jeu : Illimité » ou « Membres en jeu : un par équipe », etc. Difficile de briser les habitudes (je devais prendre une pause pour me souvenir du terme chaque fois, pendant les premiers matchs, sinon j’utilisais automatiquement l’ancienne), et ça ne sonnait pas aussi naturel que dans les autres formules. Les gens ont certainement remarqué et posé des questions.

À la fin, c’est notre arbitre de finale, Isabelle Godin, qui a trouvé la formule gagnante, et encore une fois, il s’agissait des mots les plus simples et naturels possibles. Après le thème, elle disait tout simplement, « Ce sera illimité » ou « Ce sera un par équipe ». Le carton de thème pourrait se lire tout simplement ainsi : « # : » suivi du nombre requis, mais on évite la mention de terme voulant dire « joueur » ou « membre » entièrement.

Improvisation NB devra décider comment appeler officiellement la punition de « nombre illégal de joueurs » (soit « nombre illégal de membres de l’équipe en jeu » ou autre) et quelle sorte de refonte de ses documents de règlements sera nécessaire en foulée de ce changement. La balle est dans le camp des membres du C.A. Mais reste que l’on vient de faire du progrès important dans la langue inclusive en ce qui a trait à l’impro-match.

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