Par Michel M. Albert
On pourrait imaginer une panoplie de manuels sur l’improvisation avec différents publics cibles – débutants, vétérans, joueurs, arbitres, juges, comédiens, médecins, prisonniers de cubicules… Mais toujours faut-il connaître, comprendre et adresser le lecteur qui appartient à ce public. « Improv for Gamers », écrit par Karen Twelves, propose un tel manuel pour des joueurs de rôles, qu’ils soient assis autour d’une table, « larpent » dans la nature, ou jouent des jeux de type « raconteur » comme Fiasco. Mais on a mal jugé l’approche.
« Improv for Gamers » est présenté comme une collection d’ateliers et exercices que l’improvisateur typique, en général, reconnaîtra, mais qui ont une pertinence très mince au « gamer » visé. En tant que vétéran des deux activités – impro et jeux de rôles – de près de 40 ans, j’ai peine à imaginer des « gamers » qui trouveraient quelque chose d’utile dans la longue section de réchauffements (qui inclut des ateliers qu’ici, dans la communauté d’impro, on n’utilise plus parce qu’ils sont des petits jeux qui offrent peu en termes d’apprentissage du jeu, ou dans les ateliers de mime d’objets qui ne font pas partie de l’improvisation qu’on doit faire dans un jeu de rôle. En allant chercher des astuces et des ateliers supplémentaires pour la 2e édition (ci-haut, évitez à tout prix la 1e édition, ci-bas) de contributeurs, celle-ci fait des liens plus solides avec le « gaming », mais il reste qu’en son cœur, le livre reste surtout un manuel d’introduction à l’impro à l’intention des joueurs de rôles, plutôt qu’un essai sur comment utiliser les outils de l’impro dans ces jeux.
Est-ce donc un ouvrage intéressant pour les improvisateurs comme tels? Cela dépend. Si vous êtes à la recherche d’ateliers, vous trouverez sans doute quelques idées entre ses pages. Vous en reconnaîtrez beaucoup aussi, sous d’autres noms, ou avec des détails différents. Souvent, les activités de base sont accompagnées d’un élément de jeu comme des choses à crier à la fin, ou des rythmes à faire avec nos mains, ce qui me dit qu’ils seront peut-être intéressants à faire avec de jeunes enfants. En même temps, chaque atelier comporte une section d’approfondissement pour faire évoluer l’exercice à de plus grands niveaux de difficulté. Si Twelves ne réussit pas toujours à faire le lien avec son public visé, il est évident qu’elle donne des cours d’impro dans la vie et qu’elle sait comment bâtir un gabarit d’ateliers qui inculquent une étape fondamentale à la fois vers une vision complète du jeu. Les appendices comprennent aussi des listes de lieux, personnages, etc. qui créent des thèmes rapides en atelier, et une section qui renverse le courant et montre à des improvisateurs comment « gamer ».
Pour le lecteur Canadien français, il est aussi intéressant de voir les termes utilisés en impro américaine, et la philosophie derrière le jeu (souvent dans le format défi plutôt que compétitif comme le nôtre). Les enseignements sont sensiblement pareils, mais on trouvera peut-être de nouvelles façons de dire les mêmes vieilles choses. (Bien qu’il serait peut-être plus juste d’au lieu lire les lectures recommandées dans la bibliographie à ces fins, soit les œuvres de Keith Johnstone, Viola Spolin, Mick Napler, ou Charna Halpern et Co., qu’elle cite abondement).
« Improv for Gamers » ne reçoit pas une haute note de ma part, en partie parce que l’oeuvre n’est pas assez experte pour moi. Selon où vous vous situez dans vos connaissances, vous pourriez y trouver plus pour votre compte.
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