Par Michel M. Albert
Le match se déroulait un 31 octobre, pendant un tournoi qui tombait pile sur l’Halloween. Il n’y avait pas assez d’équipes pour que tout le monde ait trois matchs préliminaires qui comptent, et donc ma petite équipe, performante, mais sous-estimée, se retrouvait en soirée dans un match fantôme. Rien d’inhabituel. La maîtresse de cérémonie dit nos noms – avec une seule erreur, cette fois, bravo – et on saute sur scène. Nos supporters sifflent et hurlent, comme le vent d’automne dehors. On se range contre la bande.
À notre désarroi, l’équipe adverse n’en est pas une inscrite au tournoi – une équipe en démonstration? Ça arrive. Les noms des joueurs échappent maintenant à ma mémoire (je ne peux expliquer comment), mais c’est quoi ces titres? Feu _________?! La regrettée ________?!! Un par un, des spectres luminescents sortent de sous la scène, comme si la bouche de l’enfer les en avait bâillés.
Un de mes joueurs sort tout de suite son chapelet et se met à prier. On vient de le perdre, il ne sortira jamais de cet état de fugue. Ma joueuse vedette n’a pas froid aux yeux, elle. Elle dit qu’elle ne croit pas aux fantômes, malgré l’évidence devant ses yeux. Elle se lance dans la première improvisation, casse la glace, fait comme si de rien n’était.
Mais le public a quitté les lieux. Est-ce la peur qui l’a fait courir vers la sortie? Ou avons-nous, nous-mêmes, été déplacés à quelque salle de spectacle de l’outre-tombe, sur LEUR territoire, devant LEUR public. Des êtres démoniaques nous auscultent. Quand nous faisons une bonne blague, pas un rire. Le bruit de chaises qui frottent contre le sol, un bâillement insultant, mais pas de rires ni d’applaudissements. Quand un fantôme fait la moindre culbute ou le plus simple des jeux de mots, ah là, les diables se tapent les cuisses, rient grassement, et se précipitent pour lever leur carton rouge. Existe-t-il même des cartons bleus? Oui, ils sont là, dans une petite pile en train de brûler…
Une impro après l’autre, nous nous démenons pour ces êtres devant l’arbitre cornu qui semble toujours donner sa faveur aux défunts improvisateurs. Un blanchissage? Aussi blanc que les draps qui couvrent nos adversaires. Quand ils marquent un point, ils font sonner leurs chaînes. Quand NOUS marquons un point, ben, rien. On ne marque jamais de points.
Enfin, la dernière impro. Prenez pitié sur nous. Une chantée. Y’en aura pas de facile. Ma joueuse vedette s’avance, ébranlée depuis le début de la deuxième période. Peut-être que ça se peut, le surnaturel. Peut-être que nos âmes sont damnées après tout. Elle s’avance quand même… Et une voix angélique sort de sa gorge, la plus belle chantée que vous n’aillez jamais entendu. Dans NOTRE monde, il n’y aurait pas eu un œil sec dans le public. Et dans ce monde-ci aussi! Est-ce un diable qui pleurniche dans le fond de la salle? Ai-je vu l’arbitre se moucher pour cacher son émoi? À mesure que la chanson se poursuit, comprends-je bien que chacun de nos adversaires fantomatiques se dissipe, comme si libéré pour aller reposer en paix? Je veux y croire!
L’impro se termine. L’arbitre passe au vote. Nos supporters nous acclament. On remporte le point, mais pas le match, bien que finalement, c’était plus proche qu’on le croyait. Ça a… relativement bien été?
Peut-être que, des fois, on se fait des peurs…
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