Par Isabel Goguen
Il y a de ces impros qui restent avec nous longtemps, même toujours. Des personnages marquants, des moments touchants, des twists puissants, des punchs incroyables. Il y a aussi des impros qui sont mauvaises, voire spectaculairement mauvaises. Des fous rires généralisés, des idées atroces, des concepts tellement pénibles qu’il est obligatoire de le raconter à quelqu’un d’autre par la suite tellement c’était pénible. Et là, il y a de ces impros qu’on oublie avant même qu’elles ne se terminent, la définition même de neutre. Elles ne commettent pas d’erreurs particulières, mais ce qui est plus tragique, elles n’ont rien de très intéressant non plus.
Un signe qu’une impro sera moins engageante peut se trouver dans le cliché personnel ou d’équipe. Prenons comme exemple une équipe qui a un grand intérêt dans la science-fiction et qui présente beaucoup d’impros dans ce style. Lorsqu’elle commence sa quatrième impro de science-fiction du match, le public décroche un peu. Il se sent comme s’il a déjà vu l’impro, même si elle n’est pas exactement pareille aux autres. C’est le même phénomène chez les joueurs individuels qui jouent trop souvent les mêmes types de personnages, et proposent les mêmes sortes de situations chaque fois qu’ils sont dans l’arène. Quand on fait souvent les mêmes choses, on perd la magie du spontané et de l’incertitude qui est au cœur de l’improvisation.
Parfois, ce ne sont pas les clichés personnels qui apparaissent, mais ceux des histoires bien connues. Ces clichés peuvent venir, par exemple du cinéma ou de la littérature, mais également de l’improvisation elle-même. Il y a plusieurs sortes d’impros qu’on a vues souvent : Une personne qui rencontre les parents de son partenaire pour la première fois, une première date à un restaurant, une soirée pyjama entre filles, une chicane de couple, etc. Ces types d’impros peuvent donner l’impression que les équipes jouent en mode autopilote et qu’ils présentent simplement les péripéties attendues au même rythme qu’on les voit toujours. On peut certainement s’amuser à renverser les attentes en ajoutant un twist à un narratif populaire. Cependant, si on présente un type d’histoire que le public reconnaîtra sans y faire de changements, les spectateurs anticipent où se dirige l’impro trop facilement et, ne voyant pas de surprises à l’horizon, perdent intérêt.
Dans certains cas, on commence avec une idée correcte ou même bonne puis, pendant le jeu, on ne réalise pas qu’on a fait le tour de celle-ci. C’est là que la répétition commence et qu’on étire l’idée plus longtemps qu’elle ne le mérite. C’est le phénomène de présenter une impro de 2 minutes dans une 4 minutes. Puisque le public a l’impression qu’on tourne en rond et qu’il n’y a rien de nouveau qui se passe, il décroche de l’impro.
Le remède aux impros plates est bien sûr de présenter des histoires et personnages plus originaux et créatifs. Ah, c’est facile! Il faut simplement avoir des idées exceptionnellement bonnes chaque minute de chaque impro! Très simple! La leçon est plutôt que quand l’idée proposée en caucus est un peu clichée ou du déjà vu, l’on rajoute quelque chose de plus à l’idée. On utilise donc l’idée clichée comme point de départ et non comme ligne d’arrivée, en choisissant différents types de personnages, présentant l’histoire d’un nouveau point de vue, explorant un lieu inusité, mettant en scène des conversations qu’on ne voit pas souvent ou des petits moments de la vie qu’on saute normalement dans une impro. C’est une chicane de couple, mais on est dans l’espace, mais on est des requins, etc.
C’est important de souligner que les idées rajoutées n’ont pas besoin d’être loufoques! On peut intégrer une idée très vraie ou dramatique pour transformer le caucus. C’est une chicane de couple, mais la chicane n’est que le premier 30 secondes de l’impro, puis les personnages s’isolent dans différentes pièces pour réfléchir et vivre leurs émotions, dans ce qui est majoritairement une sans paroles.
Et on n’arrête pas ce travail une fois dans l’arène. On cherche les opportunités que l’impro nous propose pour changer de lieu, ajouter ou retirer des personnages, pousser la situation plus loin que la conclusion préparée. Donc, si notre idée originale se termine, on fait le choix d’explorer ce qui se passe après, ou ailleurs, ou pendant ce temps, ou dans 20 ans ou 10 ans plus tôt. C’est mieux de prendre le risque d’essayer de montrer ce qui se passe quand on dépasse l’idée originale, plutôt que de prolonger la même situation de façon inintéressante pendant une minute de plus qu’elle n’a de jus.
Il est certain que toutes nos impros ne seront pas de l’or pur, de la première minute à la dernière. C’est la nature de l’impro que parfois ça fonctionne, et parfois ça ne fonctionne pas, même avec une bonne idée. On se donne simplement comme défi de capter l’attention du public, de leur montrer quelque chose qu’ils n’ont jamais vu, ou du moins, jamais vu comme ça.
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