Par Michel M. Albert
Vos improvisations comparées ressemblent à des mixtes? Vous vous retrouvez dans des prémisses peu définies et manquez d’écoute entre vous? Ce qui manque peut-être à vos caucus est ce que l’on va appeler « l’élément télépathique ».
L’élément télépathique est cette chose que votre équipe sait et que le public ignore, mais qui deviendra évident (ou interprétable) par la fin de l’improvisation. C’est la chose qui distingue les comparées des mixtes, et elle devrait faire partie de nos caucus. Parce que si le caucus a une utilité, c’est surtout en comparée où on a la chance de tous être sur la même longueur d’onde. Si on se dit le SECRET de l’impro (qui pourrait être une autre façon de dire « élément télépathique »), on peut tous agir sur ce secret sans avoir à se l’expliquer devant le public, ou se fier aux pouvoirs d’écoute de l’équipe.

Donnons un exemple. L’impro implique quelqu’un qui conduit sur l’autoroute pendant des jours. Il ramasse quelqu’un qui fait du pouce (ou plusieurs) et d’étranges aventures surviennent. À la fin de l’improvisation, il se réveille soudainement et tous les personnages dans l’auto disparaissent. Coup de théâtre! Il s’endormait au volant et a rêvé tout cet épisode. Ce n’est pas une impro facile à rendre sans que l’élément télépathique (c’est un rêve) soit discuté en caucus. Mais combien plus satisfaisante que si on est obligé de dire « c’est-tu un rêve, coudonc?! » pour la faire fonctionner, ou attendre que le pouceux sorte de l’auto pour rendre le punch, etc.
L’élément télépathique n’a pas toujours besoin de créer un « twist ». Il peut faire référence à un sous-texte qui active l’imagination du public et le mène à débattre ce qui se passait vraiment. Par exemple, imaginons une improvisation qui, à la surface, se passe sur la plage. Les parents nagent, pas de problème, mais ne laissent pas leurs enfants nager. En fait, le père n’aime pas que la mère aille nager toute seule. Éventuellement, elle ou les enfants fougueux décident d’aller nager et ne reviennent jamais. Ce qu’on ne sait pas – et qui ne devrait jamais être dit au public – c’est qu’en caucus, l’équipe a décidé que son impro serait une métaphore pour « voler de ses propres ailes » (ou, enfin, « nager de ses propres nageoires »), et les joueurs découvrent, organiquement peut-être, l’intérêt de rendre le patriarche toxique et restrictif par rapport à son épouse. Elle est « prisonnière » de la plage (du couple) tout comme les enfants le sont (de l’unité familiale ou sur-protection parentale). Ils laissent la métaphore – le sous-texte – les guider dans leurs décisions, et résistent l’envie de révéler tout ceci au public. Après le match, ils sont enchantés d’entendre des membres du public leur dire « hey, j’ai vraiment aimé votre impro sur l’émancipation de la femme/des enfants » ou même « votre impro sur le fascisme » parce qu’ils y ont vu une AUTRE couche que l’ambiguïté a accidentellement créée.

Dans un exemple plus pratique, sans twist ni métaphore, l’élément télépathique pourrait être un plan d’impro. Par exemple, on nous a imposé une improvisation sur un train, et en caucus, une équipe de fans du film Titanic décide d’utiliser celui-ci comme modèle. Bien que les joueurs changent les détails (les noms, n’utilisent pas un diadème, et ne font pas les clichés comme se tenir à l’avant du train), ils comprennent, entre eux, où ça peut/devrait aller, surtout quand ils viennent à court d’idées. On sait qu’un déraillement s’en vient, que le mari jaloux essaiera de s’en sauver, qu’il y a une danse dans la caboose, etc. On ne le dit pas au public – qui réalisera ou non – mais entre nous, on semble plus se suivre, plus se nourrir, et essentiellement, montrer de la CHIMIE.
En fin de compte, se donner un élément télépathique en caucus, c’est créer une télépathie sur scène. Les joueurs semblent se comprendre sans rien dire, avoir une chimie et une écoute accrues, et être moins perdus (ou en mode « mixte ») dans leurs comparées. L’élément télépathique pourrait devenir un outil plus important (à l’étape du caucus) que discuter de personnages ou d’incidents particuliers.
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