Les relations transactionnelles

Par Michel M. Albert

Bien qu’on puisse apprécier une improvisation pour sa prémisse, pour ses blagues, et ainsi de suite, ce qui suscite véritablement l’attention dans la plupart des cas, surtout en mixte, c’est la relation entre les personnages, une relation vite établie, mais qui doit être bien établie. C’est cette relation qui fait – et doit faire! – avancer l’action.

La pire des relations possibles en improvisation, pire encore que celle de deux étrangers qui se rencontrent dans le néant, c’est la relation transactionnelle. Vendeur/serveur/coiffeur/chauffeur et client. C’est une relation qui se veut très superficielle et qui souvent implique des étrangers. Si c’est moins intéressant que les étrangers dans le néant, c’est qu’au moins, ces derniers sont à la recherche d’une relation. On ne sait pas ce qui va se passer dans l’impro, mais on sait que ces étrangers vont trouver moyen d’être alliés ou antagonistes dans cette histoire qui n’est pour l’instant qu’embryonnaire. Ces étrangers cherchent une histoire et donc cherchent une relation entre eux.

Mais pas le vendeur et le client. Ils ont déjà trouvé leur relation/histoire, et elle implique les besoins du client et la capacité de l’autre de rendre la marchandise ou le service qui viendra remplir ces besoins. La conversation se vire très tôt à la négociation, aux prix, etc… à moins d’un engagement important de la part des artistes à forger une relation plus profonde qui dépassera la simple transaction. Évidemment, ces rôles existeront toujours, mais il faut se forcer à les rendre plus intéressants – pourquoi le vendeur ne serait pas un membre de la famille du client, ou la personne sur laquelle il avait un crush à l’école? Pourquoi le chauffeur de taxi ne serait pas à la recherche d’aventure et amènerait son client à la mauvaise place par exprès, ou un agent secret qui vient d’enlever le client? Tout dépend de l’impro, mais presque n’importe quoi me semble plus intéressant que deux personnages qui parlent simplement de leur transaction.

Une relation sur scène peut être vue sur deux axes : Sa « chaleur » (froid ou chaud, donc son intensité émotionnelle) et son « poids » (quelle importance elle a pour les personnages). Une relation transactionnelle a souvent peu de chaleur et peu de poids, et donc faillit sur les deux axes (l’inverse serait, par exemple, deux amoureux sur leur lune de miel). Mais si on donne de la chaleur et du poids à nos personnages transactionnels, on peut peut-être sauver la situation. En leur donnant une attitude chaude (un vendeur qui tombe en amour avec son client, par exemple) et un véritable poids (autre exemple : le client se fait servir par son bully à l’école), on crée une relation de scène qui va nécessairement motiver l’action au-delà de la simple transaction besoin/service.

En fait, ce qu’on cherche d’une improvisation, c’est une transformation émotionnelle d’un des personnages ou des deux. Une relation qui n’est pas statique. Si on pense à toutes les fois qu’on a interagi avec un commis dans un magasin, combien de fois est-ce que cette interaction a changé la vie de l’un ou de l’autre? Probablement jamais. L’action d’une improvisation nous porte à défier un statu quo, à faire un personnage apprendre quelque chose et changer. Pour se faire, la relation que l’on crée sur scène doit avoir du poids, et pour être intéressante au public, elle doit aussi avoir de la chaleur.

La prochaine fois qu’on a besoin d’un bien ou service dans une impro, considérons soit ajouter de ces deux éléments dans notre transaction, ou alors sauter par-dessus la transaction entièrement pour que soudainement nous ayons déjà acheté.

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