Choisir et balancer les équipes

Par Michel M. Albert

Chaque année, dans diverses ligues, capitaines et autres organisateurs doivent choisir des joueurs pour faire partie des équipes participantes. Dans mon expérience, il n’y a vraiment qu’une technique pour créer un groupe d’équipes dans une même ligue qui est viable, et je la partagerai avec vous dans cet article. (Pour comment bâtir une équipe-étoile, on s’en reparlera, j’ai aussi une technique que je trouve concluante.)

Il y a deux sortes de processus pour attirer des joueurs à une ligue : Sur invitation et par audition. Tout dépend de la mission de la ligue.

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Les ligues estivales ou « performance » (pour ne pas dire professionnelles ou semi-professionnelles, quand il y a un coût d’entrée substantiel, comme c’était le cas avec la Ligue d’Improvisation Acadienne) fonctionnent souvent sur invitation, pour assurer un pool de joueurs d’un certain calibre ou certaine disponibilité. Les invitations sont faites pour des raisons logistiques (calibre vu le prix d’entrée, région dans un schème où le déplacement est assuré, et garantie qu’une ligue aura assez de joueurs pour survivre, surtout les premières années d’un projet).

Dans l’autre cas, par audition, on dira que la ligue est « ouverte à tous » (ou à tous à l’intérieur d’une même école). Les ligues scolaires et universitaires ont une responsabilité particulière en ce sens, étant des comités/associations étudiant.e.s qui appartiennent, moralement, à l’institution et au corps étudiant. Ces ligues n’ont pas le choix d’être ouvertes à tout le monde vu qu’elles bénéficient de financement dit public (argent, locaux, ressources). Les autres ligues n’ont pas cette même responsabilité et peuvent donc faire une combinaison des deux techniques, soit inviter/assurer/retenir certains joueurs, et faire des auditions pour les postes qui restent. La seule chose que je recommanderais à ces hybrides, c’est d’être transparents et honnêtes. Ne dites pas aux joueurs pré-choisis qu’ils doivent faire une audition quand même, et dites aux autres qu’il y a X postes à remplir. Faire autrement sème la rancœur.

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Parce que pour qu’une ligue soit en santé, les joueurs doivent s’y sentir voulus, appréciés et respectés. D’autre part, les joueurs qui ne sont pas retenus doivent vouloir revenir comme spectateurs ou officiels, donc la perception qu’ils retiennent de la ligue doit en être une bonne. C’est pourquoi une attention particulière doit être mise sur le choix des équipes. Une ligue où les équipes sont mal choisies, c’est une ligue à propos de laquelle on entend le mot « clique », et donc une ligue qui a un problème de perception. Si le processus ne semble pas juste, on risque de perdre une section du public (les joueurs potentiels et leurs supporters) et du pool de recrues des années à suivre. Et ça, c’est en plus de autres problèmes qui découlent d’une équipe mal choisie (calibres déséquilibrés, démotivation, etc.).

Donc, le système:
C’est très simple, dans le fond. Dans une premier temps, une tierce personne (l’arbitre en chef de la ligue, par exemple) fait une liste de tous les joueurs qui se sont présentés aux auditions, dans un ordre approximatif de calibre. Puis il met les joueurs sur sa liste en groupes correspondant au nombre d’équipe. Alors disons qu’il y a 4 équipes. Les 4 premiers joueurs sur la liste sont les 4 meilleurs, les 4 prochains les 4 prochains meilleurs et ainsi de suite, jusqu’au groupe des 4 pires. Ça ressemblerait peut-être à ceci :

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Disons que l’on voulait une ligue très inclusive où même les gens qui n’ont jamais joué ont une opportunité, on dirait qu’on se rendrait à 6 par équipe et tout le monde sur la liste jouerait (ou alors le 6e palier serait les substituts). Si on veut des équipes plus petites et performantes, on couperait ceux que j’ai ici appelé moins que charitablement les « inutiles » complètement. Tout dépend. Ce qui ne dépend pas, c’est que si vous avez atteint un certain calibre, vous faites partie de la ligue et quelqu’un devra vous choisir.

Dans la prochaine étape, avec la tierce personne agissant comme modératrice, chaque capitaine choisi une personne sur chaque « ligne ». Dans chaque équipe, il doit y avoir un Fort, un Plombier, un Correct, un qui a Dla Misère, et un Inutile. Pas d’exceptions. Prenez garde de tout de même respecter la question des genres obligatoires, etc.; une équipe ne peut pas prendre toutes les femmes ou hommes, selon le cas, et ne pas en laisser pour les autres. Il est aussi possible que vous ayez d’autres considérations, comme la gestion de gros égos, ou un nombre de joueurs qui sont moins qu’assidus à cause d’un cours. Vous pourriez alors mettre les joueurs de cette même sorte sur une même ligne, pour qu’aucun capitaine n’ait à composer avec plus qu’un de ces égos ou joueurs qui manquent des matchs.

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Résultats :
1. Personne qui méritait une place n’a pas une place, ce qui défait les allégations (parfois vraies, parfois fausses) que les capitaines ont fait leurs choix basé sur des amitiés préexistantes (le phénomène de la clique).
2. Le rayon de la ligue est agrandi, attirant un public qui ne vient pas d’un cercle fermé, et développant des dynamiques nouvelles (ces joueurs avec qui on ne ressentait pas une chimie innée deviendront peut-être « chimiques » pendant la saison.
3. Aucune équipe déséquilibrée; une ligue « mal balancée », comme on dit, c’est une ligue qui donne un spectacle inégal – l’équipe faible qui perd toujours est un drain particulier sur le spectacle à chaque fois qu’elle est impliquée dans un match. On empêche aussi le capitaine égoïste de se faire une équipe où il sera le seul gun, jouera beaucoup plus, aura toutes les étoiles.
4. Un joueur qui ne joue qu’avec des amitiés/chimies pré-établies, c’est un joueur qui ne sort pas de zone de confort, et la zone de confort est un ennemi à la bonne impro. Et ce, surtout dans une ligue-école. On ne devrait pas se priver de la possibilité de découvrir un joueur et de prendre goût à jouer avec lui ou elle.

Même si votre ligue est formée sur invitation, ces deux derniers points sont, pour moi, assez importants pour que ce système soit utilisé dans tous les cas.

Oui, vous devrez vous battre pour avoir les meilleurs joueurs, ou ne pas avoir les moins bons. Oui, vous allez faire des compromis. La notion que vous ne pouvez pas jouer avec quelqu’un est fausse. Vous jouez MIEUX avec certains et MOINS BIEN avec d’autres, POUR LE MOMENT. Vous aurez la chance de travailler là-dessus pendant la saison. Votre équipe finale aura des joueurs qui correspondent aux deux définitions, mais ce sera une équipe de niveau équivalent à celui des autres dans la même ligue, une ligue où tout le monde à eu sa chance basé sur le mérite et pas « qui ils connaissaient » et à l’épreuve des mauvaises langues de mauvais perdants, une ligue qui bâtit son public et son avenir.

C’est le meilleur système que je connaisse. Montrez moi une ligue, et je peux vous dire si elle l’a utilisé tout simplement basé sur le montant de drama-rama qui l’entoure.

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5 commentaires

  1. La plus grande entrave à ce système est, je crois, la différence de perception entre ce qui constitue un « bon » joueur… Certes, on peut s’entendre de laisser la tierce partie déterminer l’ordre, mais si les capitaines ont le moindre problème d’ego (et on s’entend qu’on parle d’improvisateurs), ils pourraient facilement rendre la tâche difficile en contestant les choix sur place et/ou en blâmant cette tierce partie plus tard dans l’année pour les problèmes de la ligue.

  2. On s’entend que l’impro reste subjective, et que oui, il se peut qu’il y ait une négotiation par rapport au classement initial. Cependant, même si qqun passe de la 2e à la 3e rangée, mettons, elle doit quand même avoir sa place. Et du « c pas mon style » ou « je ne m’entend pas bien avec » n’est pas un argument valide quand on parle de calibre, donc beaucoup des arguments égoïstes de capitaines qu’on peut imaginer n’ont tout simplement pas de force.

  3. La tierce personne ne sera pas complètement externe à la situation non plus. Si, du départ, des discussions ont lieu entre les membres qui fonderont la ligue (capitaines, arbitres, organisateurs, etc.) on aura plus de chance de tous être sur la même longueur d’onde et d’éviter des problèmes lors de la sélection et dans le long terme. Faudrait pas ce soit une surprise pour les capitaines que de telles méthodes soient mises en place pour la sélection des joueurs. Si c’est le cas, là tu t’assures ben du mécontentement.

    Transparence du début à la fin.

    C’est correct Elyse, garde Bart Bolduc, je prendrai Tim Price (wooh!) dans cette catégorie.

  4. […] Pour les gens qui cherchent à bâtir une équipe, il y a deux choses que vous devez comprendre. Premièrement, il n’y a pas de formule gagnante qui assurera la victoire d’une équipe ou sa capacité de livrer un bon spectacle. Il est simplement nécessaire d’exploiter toutes les sortes de joueur pour que l’équipe soit capable d’être la plus performante possible dans toutes les situations. Deuxièmement, il ne faut pas placer ses joueurs dans des boîtes. Tout joueur est capable d’aller au-delà de sa force première, mais si son entraîneur ou son capitaine l’empêchent de mettre ces choses en scènes, il ne développera jamais la polyvalence. Comme en yoga, une équipe d’impro doit avoir un équilibre ainsi qu’une flexibilité. Pour plus de conseils sur comment faire la sélection de joueurs, Michel Albert a écrit un article sur cette question précisément nommé «Choisir et balancer les équipes». […]

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