Développer l’imagination

Par Michel M. Albert

En improvisation, il est important de développer son imagination. Elle sert à solutionner des problèmes, à soulager l’ennui, et à avoir de l’empathie pour autrui. Est-ce que je parle de l’impro ou de la vie? C’est vrai dans les deux cas. Les « problèmes » dans une improvisation sont de l’ordre de comment faire du sens d’idées disparates, comment faire continuer l’intrigue, etc. L’ennui qu’on soulage est celui du public, mais aussi le nôtre, car il faut se trouver intéressant pour rester engagé. Et l’empathie est un outil nécessaire pour incarner des personnages et pour bien écouter les autres. Tout ça prend de L’IMAGINATION.

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Comme toute autre capacité, c’est quelque chose qui se travaille, mais il faut aussi comprendre comment l’imagination fonctionne pour établir les étapes à suivre. En gros, il s’agit de prendre les expériences que l’on a déjà, de les traiter (c’est-à-dire de penser à elles, d’en tirer des opinions ou des connaissances utiles à l’impro), d’apprendre à les modifier, et à travers les réflexes ainsi développés, de devenir capable de créer quelque chose de complètement nouveau. Parlons davantage de ces étapes en termes d’exercices…

1. Avoir des expériences. Il faut plus que les vivre, il faut aussi bien se connecter à elles. Par exemple, prenez un objet – un ballon de football, une guitare, un stylo – dans vos mains. Examinez-le, toutes ses qualités, et puis mettez l’objet hors de votre vue. Maintenant imaginez-le, comme il était, manipulez-le en mime, souvenez-vous de tous les détails. Vous pouvez faire la même chose avec un morceau de musique, ou une action (changez une ampoule, prenez une douche, dribblez un ballon) que vous allez reproduire en mime. Expliquez en détail à quelqu’un comment faire une de ces actions et comment chaque sens est activé par l’action. Pouvez-vous ensuite décrire à quelqu’un comment se rendre chez vous à partir d’un point connu? L’idée est de traduire le SOUVENIR d’une expérience en gestes et en mots, le plus fidèlement et complètement possible.

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2. Traiter l’expérience. Maintenant que vous pouvez reproduire et raconter une expérience avec fidélité, reste à découvrir comment elle peut être utilisée dans une improvisation. Par exemple, prenez une chaise. Tentez de vous asseoir dessus le plus de différentes façons. Est-ce que ça change votre attitude, votre personnage? Reprenez l’objet (maintenant imaginaire) du premier exercice. Comment pourriez-vous l’utiliser dans une scène en tant que lui-même? Qu’est-ce que vous pouvez faire avec ce ballon, cette guitare, ce stylo? Quelles émotions évoquent-ils? Quelles histoires vous viennent en tête qui tournent autour de lui? Tentez d’en avoir le plus possible. Même chose avec l’action et le trajet que vous aviez choisis.

3. Modifier l’expérience. On a des expériences bien analysées en tête, mais il faut maintenant passer de la mémoire et son analyse logique/émotive à l’imagination comme telle. Il s’agit ici d’ajouter un élément incongru dans un expérience assimilée. Quelque chose de surprenant, d’inusité, voire même d’absurde. Par exemple, imaginez un aspirateur, mais il sert à allumer des feux. Cette guitare qui peut parler. Ce ballon qui explose si on le laisse toucher terre. Parlez à votre animal de compagnie, mais faites lui répondre. Quelle est sa voix, ses opinions, ses réactions? L’idée ici est de donner libre cours à des jeux d’imagination et voir où ils nous amènent, s’appuyant sur des expériences connues (les objets, actions, etc. analysés au cours du régime d’exercices) pour ensuite faire un lien « humoristique » ou au moins « original » qui est en dehors de notre expérience directe (à moins que votre chien vous parle pour vrai, aucun jugement).

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4. Créer une nouvelle expérience. Ayant développé les réflexes nécessaires, l’improvisateur devrait maintenant être capable de créer spontanément sans directement retourner à une expérience spécifique. Jouez des improvisations où un monde entier doit être imaginé, par exemple en se donnant une prémisse comme « un monde où le langage a été perdu et doit être réinventé » ou « un monde où il est illégal d’être malade », où tout le monde est très petit, très grand, en état d’apesanteur… Quels seraient les conséquences sur la vie de tous les jours? Comment une histoire normale se déroulerait dans ce monde? Un autre jeu est d’enlever un élément de base aux joueurs pour les forcer à imaginer cet élément. Par exemple, les personnages se réveillent à quelque part sans souvenir de s’y être rendus. Où sont-ils, comment chaque élément révélé par les joueurs donne-t-il un portrait complet de la situation? Jouez une improvisation, et à un moment donné, l’entraîneur fait un bruit, lance un objet, fait un geste… comment est-il intégré à l’histoire, qu’est-ce qu’il veut dire dans ce contexte? À ce point-ci dans le développement de leur imagination, les joueurs devraient être en mesure de laisser leur imagination faire le travail de répondre ces diverses questions de façon intéressante et surprenante.

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Il est clair en regardant des spectacles d’impro que tout le monde n’a pas le même niveau d’imagination. Certains ne peuvent pas reproduire des expériences, souvent parce qu’ils ne traitent pas leurs expériences avec l’écoute requise; les détails manquent. D’autres s’en tiennent à leur expériences et ont de la difficulté à les modifier ou à imaginer à partir de rien, ou alors répètent les gags et clichés habituels (l’expérience d’impro comme expérience reproduite en soit). Il reste donc important de ne pas sauter d’étapes, et de faire ces exercices en tandem avec un ou plusieurs autres joueurs qui peuvent évaluer la précision de l’expérience répétée et la pertinence des modifications ou inventions qui suivent plus tard. Gardons aussi en tête, dans cette évaluation, que tout le monde à SES expériences et SA perspective et qu’il existe plusieurs TYPES d’imagination. Il n’y a donc pas de MAUVAISES réponses, mais il existe certainement des réponses INCOMPLÈTES ou INSUFFISANTES.

Il est temps d’aiguiser notre imagination, ce crayon avec lequel on écrit spontanément nos impros. À vos marques, imaginez!

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