Le droit d’auteur de l’improvisateur

Par Michel M. Albert

Quand on joue une improvisation, est-ce qu’elle nous appartient? La question peut sembler sans importance vu, qu’après tout, une fois jouée, une impro ne sera pas répétée. Non, c’est vrai, du moins normalement, ou du moins, dans ce médium exact. Mais l’improvisation peut servir de point de départ pour un produit dans un autre médium – une pièce de théâtre, un sketch ou stand-up, voire même une séquence dans une émission de télé ou un film – donc il vaut la peine de poser cette question.

Il existe des exemples dans la nature d’improvisations qui ont, en effet, été « volées ». Des accusations, par exemple, ont été faites à l’intention d’un humoriste québécois quant à des impros qu’il aurait vues à la toute première Coupe universitaire d’Improvisation (où il jouait) et à celle du 20e anniversaire, et qui se sont vues traduites en grande partie dans ses propres numéros (sans le consentement des improvisateurs originaux). Vu que l’improvisation est rarement filmée, il devient difficile pour ses pratiquants de prouver qu’il s’agit bien de leur travail, de leurs idées.

De plus, il faut toujours faire attention d’utiliser du matériel fait en impro, parce que les origines d’une idée particulière pourraient très bien se trouver dans le cliché – pour ne pas dire le plagiat – d’avance. En impro, on utilisera souvent des prémisses qui existent déjà, sûrs qu’elle sera suffisamment transformée par la durée, les participants qui ne reconnaissent pas la source originale, et la tendance à l’humour et la parodie. C’est une RÉÉCRITURE qui normalement éloigne le produit de sa source, mais parfois non. Pas assez pour que LÉGALEMENT on la considère comme originale. Donc reprendre une telle improvisation pourrait mener à ce qui est techniquement du plagiat, ce qui pourrait exposer l’utilisateur à un risque de litige.

Mais à part ces considérations, est-ce que l’improvisation que l’on vient de jouer nous appartient, et si oui, à qui au juste quand l’on considère que c’est un jeu d’équipe? Justement, il faut considérer ce dernier facteur. Disons donc qu’une improvisation appartienne donc à l’équipe ou LES équipes qui y ont participé. Non seulement les joueurs en jeu, mais les joueurs (et entraîneurs) sur le banc aussi, car l’idée aurait pu naître ou être influencée par le ou les caucus. Il est possible que l’arbitre – qui a fourni le titre et le défi, ainsi qu’influencé le jeu en pré-match – puisse détenir une partie des droits aussi. Une personne dans le public, ou dans l’équipe adverse lors d’une comparée, n’aurait aucun droit sur l’improvisation, bien sûr.

Il serait donc possible qu’une ou plusieurs des personnes impliquées – des propriétaires de l’improvisation – l’utilisent comme point de départ pour un produit, sans requérir la permission du reste des propriétaires, bien que le bon esprit sportif (ou créatif) voudrait que l’on avertisse les autres ou qu’on vérifie avec eux s’ils ont un problème avec l’utilisation.

Mais ce n’est pas si simple non plus! Par exemple, bien que l’improvisation appartienne à toutes les personnes impliquées, certains éléments sont assurément l’invention d’une seule personne. La prémisse, l’histoire, les jeux de ton, sont peut-être un bien commun, mais un personnage intéressant, une réplique drôle spécifique, même le titre inventif de l’arbitre, semblent la propriété de cet individu seul. Donc le règlement de gentilhomme ici semblerait imposer que l’on ne puisse utiliser ce personnage, cette réplique, ce titre, sans le consentement ou la participation de cette personne.

La vérité, c’est qu’il n’y a pas de jurisprudence à cet égard. Au Canada, la musique improvisée (par exemple, dans le jazz) est protégée, mais toujours faut-il qu’il y ait un enregistrement pour prouver que l’artiste l’a composée. Aux États-Unis, où les improvisateurs ont peut-être plus tendance à devenir humoristes, comédiens et artistes de sketch sur la scène nationale, les poursuites sont difficiles à cause d’une loi sur la « fixation » du matériel protégé. Si une œuvre est « fixée », c’est-à-dire permanente et finie, elle est protégée par les droits intellectuels. Mais il est plus difficile de prouver qu’une ébauche (ce qu’est une improvisation généralement) est « finie ». Il faudra des poursuites de marque pour que la cour stipule nos droits d’auteur légalement.

Mais est-ce que vous vous êtes déjà fait « voler »? Est-ce qu’on vous a déjà emprunté quelque chose avec votre consentement? Ou est-ce que pour vous, l’impro reste éphémère et peut aller à qui veut bien l’utiliser? Des questions auxquelles penser…

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